Les professeurs de collèges et lycées français laissaient éclater mardi leur colère, et confiaient même leur «peur» de faire cours dans certaines banlieues difficiles, après plusieurs agressions violentes à l'intérieur d'établissements scolaires.

Ce phénomène accentue le malaise des enseignants, qui s'estiment par ailleurs les principales victimes des coupes d'effectifs dans la fonction publique décidées par le président Nicolas Sarkozy. Et à moins d'un mois d'importantes élections régionales, le gouvernement a promis mardi d'agir pour restaurer la sécurité en milieu scolaire.

Lundi, c'est un élève de 17 ans qui a été blessé au cutter et frappé à coups de battes de base-ball par six personnes pendant un cours d'éducation physique dans un gymnase jouxtant un lycée de Thiais (banlieue sud-est de Paris).

Les professeurs de ce lycée ont refusé mardi de reprendre les cours et les enseignants de tout ce secteur de l'est de Paris, qui regroupe de nombreux quartiers défavorisés, étaient appelés à la grève.

«On veut des moyens pour empêcher les tensions (...), on veut pouvoir transmettre le savoir dans de bonnes conditions», a déclaré Marianne Boucheret, professeur d'histoire-géographie au lycée Guillaume-Apollinaire de Thiais.

Elle affirme que le lycée ne compte que 11 surveillants à mi-temps pour 1500 élèves et que les sept caméras déployées dans l'établissement «ne règlent rien».

«On a peur, les élèves ont peur. On ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé», a renchéri Juliette Hay, professeur de sciences économiques.

L'incident est survenu après deux autres agressions, dont une mortelle, dans le même secteur.

Treize jours plus tôt, dans la commune voisine de Vitry-sur-Seine, un élève de 14 ans avait été agressé au couteau par sept personnes extérieures à l'établissement. Toujours dans le département du Val de Marne, le 8 janvier, un élève de 18 ans du lycée Darius-Milhaud au Kremlin-Bicêtre avait été poignardé à mort par un de ses camarades.

«C'est une répétition, ce phénomène d'affrontement, il y a une spirale qui est inquiétante», selon le procureur Jean-Philippe Bosc, qui pointe du doigt les affrontements et règlements de compte entre bandes rivales.

Pierre Claustre, responsable à l'académie de Créteil du Snes (principal syndicat des enseignants de collèges et lycées), tout en jugeant ces agressions «exceptionnelles», estiment qu'elles reflètent un climat «tendu» dans les établissements scolaires.

«Ce que vivent au quotidien les collègues et les élèves, ce sont plus des injures (...), des intrusions dans les cours. On a des collègues désemparés face à des classes complètement irrespectueuses», explique ce professeur d'histoire-géographie.

Le responsable syndical fustige la politique du gouvernement visant à «faire disparaître une partie des surveillants» et qui conduit à «dégrader les conditions d'accueil des élèves». Une critique qui est également reprise par des associations de parents.

Le gouvernement de droite du président Nicolas Sarkozy, dont la sécurité est l'un des principaux chevaux de bataille, a multiplié ces dernières semaines les annonces sur la sécurisation des établissements, avec l'installation de clôtures et de «vidéoprotection».

En réponse à la dernière agression, le ministre de l'Éducation Luc Chatel a annoncé mardi qu'il réunirait en avril les acteurs concernés par la question de la sécurité à l'école, pour des «États généraux». Il a aussi évoqué «des phénomènes nouveaux», tels que le «racket à l'école, les jeux dangereux dans les cours de récréation».