L'Italie de Berlusconi a déroulé le tapis rouge mercredi pour la première visite de Mouammar Kadhafi à Rome, avec l'espoir d'une coopération accrue dans les domaines de l'immigration et de l'économie, après le règlement d'un lourd contentieux colonial entre les deux pays.

Accompagné d'une suite d'au moins deux cents personnes, le «guide» libyen en grand uniforme a été accueilli à l'aéroport par le «Cavaliere» qui espère faire de cette visite «historique» un succès diplomatique après plusieurs semaines difficiles.Le tente de Mouammar Kadhafi a été plantée dans le plus vaste parc romain, celui de la Villa Doria Pamphili, mais il dormira dans le somptueux palais éponyme datant du XVIIe siècle.

«Cette visite est un tournant historique entre les deux pays. Rome veut stabiliser ses rapports avec la Libye sur la vieille question du pétrole et celle, nouvelle, de l'immigration clandestine», souligne Raffaello Matarazzo de l'Institut des affaires internationales.

«Les relations avec la Libye peuvent compenser partiellement la faiblesse économique de l'Italie et relancer sa vocation historique en Méditerranée où son rôle a été affaibli par l'initiative française de l'Union pour la Méditerranée (UPM)», ajoute l'expert.

Cette visite a été rendue possible par la signature en août 2008 d'un traité qui a soldé les comptes de plus de trente ans de colonisation italienne (1911-1942).

Rome s'est engagé à verser 5 milliards de dollars de dédommagements sous forme d'investissements sur les 25 prochaines années.

En échange, Tripoli a notamment promis de lutter plus efficacement contre l'immigration clandestine à partir de ses côtes.

Les Libyens ont accepté pour la première fois début mai de reprendre 500 immigrés interceptés par la marine italienne.

Cette opération a été dénoncée par les organisations de défense des droits de l'homme, le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) et l'Eglise catholique, des réfugiés susceptibles d'obtenir le droit d'asile pouvant se trouver parmi les refoulés.

La Libye n'est pas signataire de la Convention de Genève sur les réfugiés et le HCR n'a pas accès à tous les centres de rétention du pays.

L'organisation Human Rights Watch a dénoncé mercredi «un sale marché» qui permet à l'Italie «de se débarrasser de ses migrants en Libye et d'échapper à ses obligations».

Amnesty International a aussi appelé Rome à cesser sa coopération avec la Libye dans ce domaine en l'absence de «garanties sur les droits de l'Homme».

La visite doit permettre de faire le point sur la mise en oeuvre du traité, notamment sur le plan économique alors que l'Italie est le premier client et premier fournisseur de la Libye.

Riche de ses pétrodollars, la Libye est devenue le deuxième actionnaire de l'une des principales banques italiennes, Unicredit, avec plus de 4% du capital et a manifesté son souhait d'acquérir une part importante du géant pétrolier Eni.

La visite du leader libyen se déroule sous haute surveillance policière bien que les protestations prévues, de l'extrême gauche et d'étudiants, s'annoncent limitées.

L'intervention jeudi au Sénat du leader libyen, en tant que président de l'Union africaine (UA), a cependant suscité les critiques de plusieurs élus.

Reçu à déjeuner mercredi par le président Giorgio Napolitano, Kadhafi doit s'entretenir avec Berlusconi en fin d'après-midi.

Vendredi, après un rendez-vous avec le patronat, il rencontrera, à sa demande, plusieurs centaines de femmes représentantes des mondes de la culture, de l'économie et de la politique.