La communauté universitaire française s'est encore mobilisée mardi pour protester contre les réformes du gouvernement, un conflit dur qui pourrait cristalliser le mécontentement contre le président Nicolas Sarkozy.

Cette mobilisation intervient dans un contexte difficile pour le chef de l'Etat dont la cote de popularité a fortement baissé face à la grogne sociale.

Les syndicats ont appelé à une nouvelle journée d'action nationale le 19 mars et un autre conflit paralyse les départements antillais de la Guadeloupe et de la Martinique.

«Le gouvernement peine à faire face aux conflits», titrait mardi en une le quotidien Le Monde qui annonce «un avis de gros temps persistant dans le ciel social et politique français».

Cinq jours après des manifestations contre la réforme universitaire, qui ont rassemblé entre 30.000 et 50.000 personnes, les syndicats universitaires ont fait défiler mardi dans plusieurs villes de France des milliers d'enseignants-chercheurs, qui ont reçu le soutien d'organisations d'étudiants.

La seule manifestation parisienne a rassemblé 17.000 personnes, selon la police, 50.000, selon les organisateurs.

Arrêts des cours, refus de siéger dans les jurys et de remettre les notes ont déjà marqué ce mécontentement qui s'est propagé pour la première fois à des organisations universitaires traditionnellement non revendicatives.

«Nous faisons un appel solennel au gouvernement: pour sortir du conflit, il faut répondre aux revendications», a résumé mardi un dirigeant syndical, Gérard Aschieri, qui a fait état d'une «mobilisation extrêmement forte».

Le projet de modification du statut des enseignants-chercheurs (professeurs et maîtres de conférences) voulu par le président Sarkozy doit concrétiser le transfert aux universités de la gestion des carrières des personnels, prévu dans une loi d'autonomie des universités de 2007.

Les contestataires jugent que leur statut risque ainsi de perdre son caractère national. Ils craignent en particulier l'arbitraire des présidents de facultés, une perte d'indépendance et une hausse des heures d'enseignement au détriment du temps de recherche.

Pour désamorcer la crise, la ministre de l'Enseignement supérieur Valérie Pécresse a nommé une médiatrice pour «prolonger la concertation» pendant deux mois. Mais les syndicats jugent cette initiative insuffisante.

Les enseignants entendent aussi protester par ailleurs contre la suppression de 900 postes prévue en 2009, première baisse des effectifs depuis des années.

La loi d'autonomie, dont l'application progressive concerne déjà une vingtaine d'établissements, va permettre à terme à chaque université de gérer elle-même son budget, de définir sa politique de recrutement des étudiants et des enseignants, ou encore son organisation pédagogique.

La France est dotée d'un enseignement supérieur où coexistent un système très efficace mais très sélectif de «grandes écoles», qui forment les élites de l'administration ou des entreprises, et des universités qui manquent de moyens.

C'est à ce manque de moyens qu'est censé pallier la loi sur l'autonomie alors que les universités françaises font pâle figure dans le classement mondial de Shanghaï centré sur la recherche. En 2008, seules trois d'entre elles figuraient dans le «top 100», et la première en 42e position.