Dans un effort important pour ouvrir la porte à un accueil accru de réfugiés, l’administration Biden va commencer à inviter les Américains ordinaires à parrainer directement l’arrivée de milliers de personnes déplacées du monde entier dans leurs collectivités.

Une nouvelle politique permettant la participation de citoyens ordinaires à la réinstallation de familles vulnérables, annoncée jeudi, marque la réorientation la plus importante du programme américain pour les réfugiés depuis sa création, il y a plus de 40 ans.

Depuis 1980, neuf organisations à but non lucratif financées par le gouvernement fédéral, telles que l’International Rescue Committee et HIAS, ont été chargées de gérer l’ensemble de la relocalisation des réfugiés aux États-Unis, y compris de trouver un logement et un travail pour les familles qui arrivent, ainsi que de les inscrire à des cours d’anglais et de les aider à obtenir des rendez-vous médicaux et à connaître les itinéraires des bus.

Dans le cadre du nouveau programme, appelé « Welcome Corps », des particuliers assumeront désormais la responsabilité logistique et financière d’aider des milliers de réfugiés à s’adapter à la vie aux États-Unis.

L’initiative est semblable à un modèle utilisé dans une quinzaine de pays, dont le Canada, où il est en place depuis de nombreuses années et jugé très efficace par les experts en accueil.

Se tourner vers les Américains ordinaires pour faciliter l’installation des réfugiés pourrait augmenter considérablement le nombre de personnes déplacées réinstallées à partir de l’Afrique, du Moyen-Orient et d’autres régions en proie à des troubles – et aussi en payer le coût à la place du gouvernement. Le nombre de réfugiés accueillis aux États-Unis s’est effondré sous l’administration Trump, qui a vidé de sa substance l’infrastructure d’admission des réfugiés, tant aux États-Unis qu’à l’étranger, où les personnes vulnérables cherchant un refuge sont contrôlées, interrogées et traitées.

Changement de cap

Des hauts fonctionnaires du département d’État, qui met en place cette nouvelle initiative, ont déclaré que celle-ci s’inscrivait dans le cadre du programme plus large de l’administration destiné à renforcer, à moderniser et à étendre le programme américain d’accueil des réfugiés. Elle peut également servir à renforcer le soutien du public à la réinstallation des réfugiés, ce qui est important pour réaliser les objectifs de la politique étrangère des États-Unis, ont-ils ajouté.

« Nous pensons qu’en engageant davantage d’Américains dans cet effort, nous reconstruirons un large soutien public pour le programme de réinstallation des réfugiés », a déclaré Julieta Valls Noyes, secrétaire adjointe du Bureau de la population, des réfugiés et des migrations au département d’État, avant le lancement du programme.

Les organisations à but non lucratif engagées par le département d’État pour gérer la réinstallation des réfugiés sont en difficulté depuis que l’administration Trump a pratiqué des coupes claires dans le programme, réduisant les arrivées annuelles de réfugiés de 70 000 à environ 11 000, ce qui a obligé les organisations à licencier du personnel et à cesser leurs activités dans de nombreux endroits.

Le président Joe Biden a pris ses fonctions en s’engageant à accueillir des milliers de réfugiés supplémentaires. Les organisations à but non lucratif étaient toujours en train de redémarrer lorsque l’exode des États-Unis d’Afghanistan en août 2021 a entraîné une évacuation massive des alliés. Les ressources limitées ont été détournées vers les personnes évacuées, et les réfugiés d’autres pays, dont certains attendaient déjà depuis des années pour atteindre les États-Unis, ont été encore plus retardés.

Implication financière

La nouvelle initiative de parrainage privé vise à étendre la capacité du programme et à accélérer les arrivées. Pour participer, les groupes composés d’au moins cinq personnes désireuses de parrainer une famille de réfugiés doivent réunir au moins 2275 $ US (environ 3000 $ CAN) par réfugié. Les parrains privés devront fournir le même soutien général aux nouvelles familles de réfugiés que les agences à but non lucratif, qui continueront à réinstaller la grande majorité des réfugiés.

Au cours de la première année de Welcome Corps, l’objectif est de mobiliser au moins 10 000 Américains pour aider au moins 5000 réfugiés, puis d’étendre le programme pour en faire un élément pérenne du système d’accueil des réfugiés. Les premiers réfugiés qui seront aidés par des parrains privés devraient arriver en avril.

Nous espérons que ce programme sera aussi connu et qu’il mobilisera autant d’Américains que le Peace Corps. Il puisera dans l’énergie, l’expertise et les ressources des communautés de tout le pays et les renforcera dans le processus.

Julieta Valls Noyes, secrétaire adjointe du Bureau de la population, des réfugiés et des migrations au département d’État

« Ce n’est pas une panacée, mais le fait de mettre le parrainage entre les mains des Américains pourrait augmenter considérablement la capacité de l’Amérique à accueillir des réfugiés », a déclaré Sasha Chanoff, PDG de RefugePoint, une organisation à but non lucratif qui identifie les réfugiés du monde entier en vue de leur réinstallation aux États-Unis et dans d’autres pays.

Réfugiés afghans et ukrainiens

Le modèle de parrainage privé a déjà été testé à titre expérimental au cours des deux dernières années avec des réfugiés d’Afghanistan et d’Ukraine.

Dans ces cas, des parrains privés ont été invités à se manifester pour augmenter la capacité des agences de réinstallation surchargées.

PHOTO VICTOR J. BLUE, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Des réfugiés afghans fuyant le pays après la prise du pouvoir par les talibans attendent dans un bus à l’aéroport international de Kaboul, le 23 août 2021.

En octobre 2021, le département d’État a établi un partenariat avec le Community Sponsorship Hub, organisme à but non lucratif qui s’est associé à des organisations locales et nationales pour lancer un programme de cercle de parrainage pour les Afghans.

Des Américains de 33 États ont formé des groupes dans des églises, des synagogues et entre amis pour recueillir des fonds et aider les familles afghanes. « Nous avons constaté que les Américains sont désireux d’accueillir et disposés à le faire lorsqu’on leur en donne l’occasion », a déclaré Sarah Krause, directrice générale et cofondatrice du Community Sponsorship Hub.

Le centre de parrainage communautaire examinera et certifiera les parrains privés qui postuleront en ligne à welcomecorps.org, un processus qui impliquera la vérification des antécédents et la preuve de leurs capacités financières. Ces derniers ne recevront pas d’argent du gouvernement, mais des fonds philanthropiques pourraient devenir disponibles à l’avenir pour les citoyens privés qui souhaitent participer mais n’ont pas les moyens de le faire.

Une fois jumelés, les parrains américains seront chargés de fournir directement une assistance essentielle aux réfugiés pendant leurs 90 premiers jours dans leur collectivité. Cette assistance comprend l’aide aux réfugiés pour trouver un logement et un emploi, l’inscription des enfants à l’école et la mise en relation des réfugiés avec les services essentiels de la communauté.

« Je serais prête à le refaire »

Mary Brooks, gestionnaire de patrimoine en Californie, a entendu parler de la possibilité de parrainer une famille sur les médias sociaux en septembre 2021, un mois après le retrait des États-Unis d’Afghanistan. Avant même de s’en rendre compte, Mme Brooks et son mari, Peter, ont formé un cercle de parrainage avec d’autres membres de leur communauté à Walnut Creek, ont réuni les fonds nécessaires et ont reçu une formation sur leurs responsabilités ainsi qu’un aperçu de la manière de faire face aux différences culturelles et aux traumatismes.

Ils ont été jumelés à une famille afghane, Abrahim et Fakhria Amirzad et leurs quatre enfants, qui sont arrivés à Walnut Creek le 30 décembre.

PHOTO RACHEL BUJALSKI, THE NEW YORK TIMES

Le réfugié afghan Abrahim Amirzad récupérant trois de ses quatre enfants dans une école de Walnut Creek, en Californie, mercredi

Les parrains ont trouvé un logement temporaire pour les Amirzad, ont fait vacciner et inscrire les enfants à l’école et ont donné des leçons de conduite au couple. Un membre de la communauté a fait don d’une fourgonnette pour accueillir la grande famille, qui compte désormais cinq enfants.

Mary Brooks s’étonne de la rapidité avec laquelle la famille s’est adaptée : l’aînée des enfants du couple, Bibi Ayesha, 11 ans, est entrée dans les scouts. Abrahim Amirzad, infirmier dans un hôpital militaire américain à Kaboul, en Afghanistan, suit un cours de phlébotomie, première étape vers la réalisation de son objectif de retour dans sa profession.

« Nous avons reçu tellement plus que ce que nous avons donné », a déclaré Mme Brooks, 68 ans, soulignant que l’engagement de 90 jours s’était prolongé au-delà d’un an en raison du lien profond qui s’est formé entre la famille et son groupe.

PHOTO RACHEL BUJALSKI, THE NEW YORK TIMES

Fakhria Amirzad et son plus jeune enfant, dans sa demeure de Walnut Creek

« Je serais personnellement prête à le refaire, a-t-elle ajouté. Cela change la vie d’une famille pour toujours. »

Amirzad a déclaré que sa famille s’était épanouie grâce à cette attention personnalisée.

« Le cercle de parrainage a été à nos côtés à chaque étape du processus, a-t-il déclaré. Tout ce dont nous avions besoin, de jour comme de nuit, nous savions qu’il y avait des gens à appeler pour nous aider. »

Cet article a été initialement publié dans le New York Times.

Lisez la version originale (en anglais)
En savoir plus
  • 3,2 millions
    Nombre de réfugiés que les États-Unis ont accueillis depuis l’adoption de la loi sur les réfugiés de 1980. La majorité d’entre eux sont aujourd’hui citoyens américains.
    Source : The New York Times