Le taux de chômage des nouveaux arrivants au Québec est trois fois plus élevé que la moyenne québécoise. Pour les immigrés nés en Afrique du Nord installés au Québec entre 2001 et 2006, le taux frisait les 28% en 2006, plaçant ce groupe en tête du palmarès du chômage, juste devant les nouveaux arrivants d'Afrique subsaharienne.

Les immigrés les plus qualifiés n'ont pas nécessairement la tâche plus facile. Surtout s'ils appartiennent à une minorité dite «visible» et qu'ils ont obtenu leur diplôme dans un pays en voie de développement, observe une étude publiée l'an dernier par l'Institut de recherche en politiques publiques (1). Pour les ingénieurs étrangers, à qui l'École polytechnique offre une formation d'appoint depuis 1999, le plus difficile est souvent de décrocher un stage de 12 mois au Canada, une étape obligatoire pour obtenir le permis d'exercice de l'Ordre des ingénieurs du Québec. Et même au bout de toutes ces étapes, décrocher un emploi n'est pas simple. Seulement la moitié des ingénieurs étrangers qui passent au travers de ce processus long et coûteux occupent un emploi d'ingénieur, indique Yann Hairaud, du service d'aide à l'emploi AMPE-CITI. La majorité des ingénieurs que l'organisme accompagne dans leurs démarches sont d'origine nord-africaine. En 2007, c'est de l'Algérie que provenait le plus grand nombre d'immigrés se destinant à la profession d'ingénieur au Québec (302 personnes).

Découragés par la lourdeur du processus, un certain nombre d'ingénieurs étrangers accepteront d'emblée un déclassement professionnel et intègreront un emploi de technicien. Pour y arriver, on leur conseille «d'en mettre moins sur leur CV», note Yann Hairaud. Leur amour-propre en prend souvent pour son rhume. «Les Nord-Africains proviennent d'une culture de diplômes. Être ingénieur, c'est aussi une position sociale.»

À quoi bon sélectionner des immigrés sur la base de leurs diplômes si c'est pour ensuite leur dire qu'ils ne valent presque rien? «Le message envoyé en amont est ambigu», observe Yann Hairaud. Au-delà des drames personnels que ce genre de situations suscite parfois, on peut certainement parler d'un gaspillage de capital humain. «C'est un gaspillage pour le pays d'origine. Et c'est aussi un gaspillage pour le pays d'accueil», souligne Marie-Thérèse Chicha, professeure de relations industrielles à l'Université de Montréal. «Au ministère de l'Immigration, je ne pense pas que l'on mesure l'ampleur du problème.»

(1) L'intégration des immigrés sur le marché du travail à Montréal. Politiques et enjeux. Marie-Thérèse Chicha et Éric Charest. IRPP, mars 2008.