La pertinence de l'envoi par le Canada de 338 observateurs bilatéraux à court terme pour l'élection présidentielle du mois prochain en Ukraine semble mise en doute dans une évaluation interne au ministère des Affaires étrangères.

Selon ce document d'évaluation obtenu par La Presse Canadienne, le Canada avait déployé trop d'observateurs aux élections législatives ukrainiennes en 2012.

Le rapport fait aussi valoir que cette «coûteuse» mission, qui a impliqué 357 observateurs bilatéraux à court terme, s'était déroulée alors que le ministère des Affaires étrangères et la défunte Agence canadienne de développement international (ACDI) ne disposaient pas des ressources et de l'expertise requises.

Dans cette évaluation, le ministère identifie l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) comme le plus crédible observateur du scrutin.

Le rapport non daté, portant l'inscription «BROUILLON - ne pas faire circuler» et intitulé «Soutien canadien pour les élections législatives ukrainiennes d'octobre 2012: leçons tirées et lignes directrices pour un soutien futur», a été obtenu par La Presse Canadienne grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Selon les informations disponibles, le Canada est le seul pays à dépêcher une mission d'observation électorale bilatérale en Ukraine, une pratique qui remonte à 2004. Il y a 1,2 million de Canado-Ukrainiens au Canada, constituant l'un des groupes de diaspora et blocs d'électeurs les plus influents au pays.

L'élection du 25 mai en Ukraine se tiendra dans un climat de crainte d'une invasion russe, après l'annexion de la péninsule de Crimée par Moscou, le mois dernier, et de violents affrontements avec des hommes armés prorusses dans plusieurs de villes de l'est du pays.

Les 338 observateurs bilatéraux à court terme qui doivent se rendre en Ukraine le mois prochain font partie des 500 personnes que le gouvernement Harper a promis d'envoyer pour surveiller le déroulement du scrutin, soit un contingent équivalent à celui de 2012. Quelque 150 autres observateurs et 12 parlementaires canadiens feront partie d'une mission de l'OSCE.

Le coût total est évalué à environ 10 millions de dollars, ce qui est en phase avec les précédentes missions d'observation canadiennes.

Le ministre de l'Emploi, Jason Kenney, a affirmé cette semaine que l'envoi de ces observateurs faisait partie de la réponse du Canada aux gestes de provocation de Moscou, particulièrement dans l'est de l'Ukraine.

Le premier ministre Stephen Harper a récemment blâmé directement le président russe, Vladimir Poutine, pour la crise ukrainienne, disant croire qu'il représentait une menace à la paix mondiale.

Lors d'un entretien téléphonique avec M. Harper, jeudi, le premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, a manifesté sa reconnaissance pour le soutien du Canada, citant particulièrement l'annonce de l'envoi d'environ 500 observateurs.

Le Canada va de l'avant avec une importante mission à la suite de consultations avec ses alliés, a fait valoir vendredi le ministre des Affaires étrangères, John Baird, en visite en Lettonie, dernière étape de sa tournée de plusieurs pays d'Europe de l'Est. «Nous voulons assurément réaffirmer notre engagement envers un processus transparent et équitable, et c'est pourquoi nous y allons avec une importante mission», a-t-il soutenu.

M. Baird s'est félicité d'une contribution canadienne plus importante que celle d'autres pays, et a affirmé que «plusieurs participants» lui avaient signifié que la mission en 2012 avait été un succès.

Néanmoins, l'évaluation interne du ministère des Affaires étrangères se demande si la mission canadienne d'observation bilatérale ne constituait pas un dédoublement inutile des efforts d'aide à l'Ukraine.

Les observateurs canadiens à court terme ont sans doute contribué à éviter des fraudes le jour des élections et fourni du soutien contre d'autres «inconduites», souligne le document. «Toutefois, le nombre de 357 observateurs canadiens à court terme surpassait les besoins, particulièrement en tenant compte que d'autres observateurs locaux et internationaux offraient déjà une bonne couverture des bureaux de scrutin.»

Dans une réponse par courriel, le ministère des Affaires étrangères a laissé entendre que le Canada souhaitait offrir une équipe d'observateurs plus importante que ce qu'auraient autorisé les règles de l'OSCE.

L'organisation européenne établit un maximum d'observateurs des pays participants: 15 observateurs à long terme et 135 observateurs à court terme.