Anders Behring Breivik, jugé pour le massacre de 77 personnes l'an dernier en Norvège, exécutait froidement les adolescents, ignorant leurs suppliques et achevant méthodiquement ceux qui gisaient au sol, ont témoigné des rescapés de la tuerie d'Utoya jeudi.

Au 16e jour du procès, le tribunal d'Oslo a entendu les témoignages déchirants de jeunes gens qui ont vu leurs camarades tomber sous les balles de Breivik sur l'île d'Utoya le 22 juillet 2011.

Ce jour-là, l'extrémiste de droite avait tué 69 personnes, dont une majorité d'adolescents, en ouvrant le feu dans un camp d'été du Mouvement de la Jeunesse travailliste, juste après avoir fait huit autres victimes avec un attentat à la bombe visant le siège du gouvernement à Oslo.

Lycéen de 18 ans, Lars Henrik Rytter Oeberg a raconté comment, depuis les eaux glaciales du lac où il s'était jeté, il avait vu Breivik se diriger vers un garçon qui tentait de se protéger la tête avec les bras et comment il lui avait tiré dessus.

«Il avait un visage de marbre», a affirmé le jeune homme venu à la barre avec le traditionnel pantalon rouge que portent les futurs bacheliers pendant la période festive qui précède le bac en Norvège.

«Il avait l'air très calme», a-t-il ajouté.

La défense de Breivik a insisté sur ce point pour faire pièce à un témoignage entendu la veille selon lequel l'extrémiste de 33 ans, dont la santé mentale est au coeur du procès, jubilait alors qu'il tirait sur les jeunes qu'il considère comme des «cibles légitimes» car appartenant à un mouvement qui fait, selon lui, la promotion de l'islam et du multiculturalisme en Norvège.

Quatorze corps seront retrouvés dans cette partie de l'île où plusieurs dizaines d'adolescents paniqués avaient tenté de se cacher avant d'être débusqués par le tueur.

Un autre témoin, Mohammed Abdulrahman, 20 ans, a détaillé comment Breivik, déguisé en policier, avait tiré sur une jeune fille qui venait vers lui, puis l'avait achevée alors qu'elle était à terre.

«On aurait dit qu'il lui a donné un coup de pied (pour voir si elle était encore en vie, NDLR). Il a pris une autre arme et il lui a tiré dessus à environ 10 cm de distance», a déclaré le jeune homme d'origine irakienne.

À la fin de l'audience, Breivik est intervenu pour affirmer qu'il n'était jamais entré en contact physique avec ses victimes sur Utoya, mis à part la première, un vigile, à qui il avait serré la main.

Le même témoin dit avoir vu un peu plus tard Breivik abattre trois autres jeunes à bout portant.

«J'en ai entendu un qui disait «s'il te plaît, ne tire pas»», a expliqué Mohammed Abdulrahman, qui s'était lui aussi jeté à l'eau.

Peut-être plus encore que depuis le début du procès le 16 avril, la journée a été marquée par de très nombreuses effusions de larmes dans le public, où des parents de victimes laissaient éclater leurs sanglots.

Une jeune fille de 17 ans, Janne Hovland, a expliqué comment elle avait déjoué les balles du tueur pendant quelque 75 minutes et porté secours à deux de ses camarades en utilisant les rudiments de secourisme appris à l'école.

Au début de la fusillade, elle a d'abord cru à une blague de mauvais goût, a-t-elle dit.

«Je pensais que quelqu'un avait badigeonné les gens de ketchup et que tout cela, c'était une plaisanterie», a-t-elle témoigné.

Ce n'est qu'en voyant le sang s'échapper de la cuisse d'un garçon -l'un des deux jeunes à qui elle apportera des soins- qu'elle réalisera la gravité de la situation.

S'il est reconnu pénalement irresponsable, Breivik risque l'internement psychiatrique à vie. Responsable, il encourt 21 ans de prison, une peine qui pourrait être prolongée aussi longtemps qu'il sera jugé dangereux.

Les juges du tribunal d'Oslo devront trancher la question dans leur verdict attendu en juillet.