Deux jours après l'accident qui a coûté la vie au président polonais Lech Kaczynski et à 95 autres personnes, l'hypothèse d'une erreur humaine semblait privilégiée lundi par les enquêteurs russes, alors que les hommages continuent à se multiplier. La «marche des vivants» commémorant les morts de l'Holocauste à Auschwitz-Birkenau a ainsi honoré également les victimes du crash.

L'avion présidentiel, un Tupolev 154, s'est écrasé samedi alors qu'il tentait d'atterrir malgré un épais brouillard à l'aéroport de Smolensk (ouest de la Russie). Les passagers se rendaient aux commémorations du 70e anniversaire du massacre de Katyn, l'exécution de 22 000 officiers polonais par la police secrète de Staline en 1940. La délégation était composée notamment des chefs d'état-major de l'armée, de députés et de personnalités de la société civile.

Les pilotes avaient été informés des conditions météorologiques difficiles et n'ont pas suivi les instructions des contrôleurs aériens de se dérouter sur Minsk ou Moscou en raison de la mauvaise visibilité. L'appareil s'est écrasé à sa cinquième tentative de se poser.

À Varsovie, certains se demandent si un des passagers n'a pas donné pour instruction aux pilotes de ne pas se dérouter, afin d'éviter de manquer les cérémonies de Katyn. Selon le procureur général Andrzej Seremet, les enquêteurs polonais se sont entretenus avec le contrôleur aérien et son superviseur et «ont conclu que les conditions n'étaient pas réunies pour un atterrissage». «La tour (le) déconseillait».

Les enquêteurs polonais n'ont pas encore écouté les conversations du cockpit enregistrées sur les boîtes noires, mais le feront, pour voir «si des suggestions ont été transmises aux pilotes» par d'autres personnes présentes à bord. Les médias locaux ont rapporté qu'en août 2008, des pilotes transportant Kaczynski à Tbilissi avaient refusé un ordre d'atterrir du président en raison du conflit sur place avec la Russie. Ils s'étaient déroutés vers l'Azerbaïdjan.

Les enquêteurs russes ont pratiquement terminé l'examen des boîtes noires, selon leur chef, Alexandre Bastrikine. Ces enregistrements «confirment qu'il n'y avait pas de problème avec l'avion, et que le pilote a été informé des conditions météorologiques compliquées mais a néanmoins décidé d'atterrir», a-t-il ajouté lors d'une réunion avec le premier ministre russe Vladimir Poutine à Smolensk.

Des funérailles samedi

La Russie et l'Ukraine avaient décrété une journée de deuil national lundi, alors que les funérailles de Lech Kaczynski pourraient avoir lieu samedi, selon un porte-parole de la présidence polonaise, Jacek Sasin. La décision définitive dépend de la date du retour en Pologne des corps des victimes de l'accident, dont le processus d'identification se poursuit. Celui de l'épouse du président, Maria Kaczynska, identifié lundi, devait être rapatrié mardi à Varsovie.

À partir de mardi justement, les cercueils fermés du couple présidentiel vont être présentés au palais pour permettre à la population de leur rendre un dernier hommage. Dans les pièces où vivaient les Kaczynski, rien n'a été modifié depuis leur dernier petit déjeuner samedi. «Je pense que personne ne veut changer quoi que ce soit. Nous n'arrivons toujours pas à réaliser ce qui s'est passé», confie Jacek Sasin. «On les voyait tous comme des gens très chaleureux, le genre de personnes avec lesquelles on souhaite se trouver, parler».

À Auschwitz-Birkenau, des milliers de jeunes juifs et de rescapés de l'Holocauste ont rendu hommage au président polonais. De nombreuses personnes présentes à cette marche d'environ trois kilomètres entre Auschwitz et Birkenau portaient un brassard ou des rubans noirs en mémoire du couple Kaczynski. L'ambassadeur d'Israël Zvi Rav-Ner a lu un message en hébreu, anglais et polonais expliquant que la «marche des vivants» permettrait de «marcher en solidarité avec la nation polonaise toute entière».