Les Australiens doivent désormais composer avec la possibilité que des informations sensibles décrivant leurs communications électroniques soient passées au peigne fin par les autorités, qu'ils aient ou non quelque chose à se reprocher.

Une nouvelle loi qui vient d'entrer en vigueur force les entreprises du secteur à stocker, pour une période de deux ans, les métadonnées générées par ces échanges.

Les métadonnées en question incluent l'adresse courriel ou le numéro de l'émetteur ou du récipiendaire d'un courriel, d'un message texte ou d'un appel téléphonique ainsi que le moment où l'échange est survenu. Des informations géographiques basées sur la localisation des appareils utilisés seront aussi colligées. Le contenu même des échanges n'est cependant pas ciblé.



Consultable sans contrainte

La nouvelle loi australienne prévoit que les corps policiers australiens pourront consulter pratiquement sans contrainte les informations recueillies alors qu'elles ne sont normalement accessibles qu'à la suite de l'obtention d'un mandat d'un tribunal.

«Je pense que c'est un développement préoccupant. D'autant plus que le gouvernement australien a trompé la population sur ce que les métadonnées peuvent révéler», souligne Daniel Nazer, conseiller juridique de l'Electronic Frontier Foundation (EFF), qui s'inquiète de la mise en place de ce qu'il décrit comme un «système de surveillance de masse».

«Il s'agit d'informations extrêmement sensibles qui peuvent en dire presque autant sur une personne que le contenu de ses conversations», relève dans la même veine Alexander Abdo, conseiller juridique de l'American Civil Liberties Union (ACLU).

Le gouvernement australien du premier ministre Malcolm Turnbull, qui avait vertement critiqué l'idée d'instaurer un tel système alors qu'il était dans l'opposition, maintient que l'accès à ces métadonnées est essentiel aujourd'hui pour des questions de sécurité nationale.

Son prédécesseur, Tony Abbott, a déclaré plus tôt cette année que la nouvelle loi allait permettre de garantir «que les personnes qui représentent une menace sérieuse pour le pays» puissent être arrêtées.

La décision du gouvernement est contestée par les entreprises du secteur, qui dénoncent les coûts liés à ce stockage à grande échelle et les difficultés techniques qu'il comporte.

Elle est également dénoncée par des organisations citoyennes en Australie, qui y voient une intrusion inacceptable.

L'une d'elles, Getup, a notamment lancé une campagne d'envergure contre l'initiative, arguant qu'elle est «coûteuse, inefficace et contraire à l'intérêt public».

Ses dirigeants font notamment valoir qu'il sera facile de contourner le filtrage en utilisant les services de messagerie hébergés à l'étranger, comme Gmail ou Hotmail.

Parallèle avec les États-Unis

Le débat en cours en Australie rappelle la tempête survenue aux États-Unis après que l'ex-contractuel de la NSA Edward Snowden eut révélé l'existence d'un programme de collecte de métadonnées de grande envergure.

La bataille juridique résultante a passablement réduit la portée du programme en question, qui ne permettra plus aux enquêteurs de fouiller librement dans les communications des citoyens du pays sans raison valable.

Les études menées en commission gouvernementale ont conclu que la collecte massive de métadonnées était inefficace et n'avait joué pratiquement aucun rôle dans les arrestations de présumés terroristes survenues en sol américain au cours des dernières années. Ce qui n'empêche pas la NSA de réclamer son maintien.

M. Abdo note qu'il existe aujourd'hui aux États-Unis et dans plusieurs pays européens une forte mobilisation populaire en faveur de la protection des métadonnées. La Cour européenne de justice avait invalidé l'année dernière une directive européenne prévoyant leur stockage en relevant qu'elle ne respectait pas le droit «fondamental» à la vie privée de la population.

«Si le même phénomène se produit en Australie, on peut s'attendre à ce que la nouvelle loi se heurte à quelques difficultés», conclut-il.