Les États-Unis ont encore concédé vendredi avoir commis des excès en matière d'espionnage, au lendemain d'un aveu très clair du secrétaire d'État John Kerry, en pleine polémique avec l'Europe et l'Asie sur la collecte massive de données par Washington.

Après dix jours d'indignation internationale, le département d'État a admis du bout des lèvres certains abus dans les programmes d'interception de communications et de collecte d'informations menés dans le monde entier par la toute puissante Agence nationale de sécurité (NSA).

La porte-parole de la diplomatie américaine Jennifer Psaki a invoqué, lors de son point de presse vendredi, «le réexamen» des pratiques américaines en matière de renseignement que le président Barack Obama avait annoncé en début de semaine.

«Nous n'aurions pas ce réexamen si nous ne pensions pas que ces programmes méritaient d'être regardés de près», a reconnu la responsable, promettant des «changements, si nécessaires».

Jeudi soir, lors d'une conférence à Londres à laquelle il participait par liaison vidéo, John Kerry a été beaucoup plus direct: «Dans certains cas, je vous le concède, comme l'a fait le président (Obama), certaines de ces actions sont allées trop loin et nous allons nous assurer que cela n'arrive plus à l'avenir».

Il s'agit là du premier aveu explicite d'un responsable gouvernemental américain sur les pratiques controversées en matière d'interception par la NSA de communications et de collecte de données. Le président Obama n'a pas reconnu ouvertement le moindre excès en la matière.

John Kerry a justifié toutefois ces opérations d'espionnage et de renseignement par la lutte antiterroriste et la prévention contre des attentats, invoquant ceux du 11-Septembre 2001 et les attaques de Madrid en mars 2004 et de Londres en juillet 2005.

«Nous nous efforçons de rassembler des informations. Et oui, dans certains cas, c'est allé trop loin de manière inappropriée», a admis le secrétaire d'État.

Alors que le scandale entre les États-Unis et l'Europe a enflé toute la semaine au rythme des révélations dans les journaux européens, la polémique a gagné vendredi l'Asie.

La Chine a exigé des «explications» de l'Australie, dont les missions diplomatiques sont accusées d'être impliquées dans le vaste réseau d'espionnage des États-Unis. Pour les mêmes raisons, l'Indonésie a convoqué l'ambassadeur australien et la Malaisie a réclamé des «clarifications» à Canberra.

Le magazine allemand Der Spiegel et le quotidien australien The Sydney Morning Herald affirment que les ambassades d'Australie en Asie ont été utilisées par les services de renseignement américains afin de capter des échanges de données, notamment sur internet.

Mais la Thaïlande, proche alliée de Washington, a jugé que ces informations étaient «sans fondements» et le Cambodge s'est dit «pas surpris».

Au contraire, le Brésil et l'Allemagne ont présenté vendredi à la Commission des droits de l'homme de l'Assemblée générale de l'ONU un projet de résolution sur la protection des libertés individuelles, qui ne vise toutefois pas nommément Washington.

Berlin et Brasilia sont particulièrement concernés et courroucés depuis dix jours par les révélations de grands journaux internationaux obtenues grâce à l'ex-consultant informatique américain auprès de la NSA Edward Snowden, réfugié en Russie.

Le patron de la NSA, le général Keith Alexander, avait démenti mercredi devant le Congrès que son Agence ait capté des dizaines de millions de communications de citoyens européens.

Mais le Washington Post a affirmé que la NSA interceptait bien des données de centaines de millions d'utilisateurs de Google et Yahoo! en dehors des États-Unis.

Ces deux groupes ont nié tout lien avec la NSA et se sont joints à Apple, Microsoft, Facebook et AOL dans un courrier au Congrès américain lui demandant de mieux contrôler l'agence de renseignement, notamment pour la protection de la vie privée.

Quant à M. Snowden, à l'origine du scandale, il pourrait être auditionné en Russie dans l'affaire des écoutes de la chancelière allemande Angela Merkel, mais il préférerait témoigner devant le Congrès des États-Unis, ont dit son avocat russe et un député allemand.

Le jeune homme «est accusé d'avoir fait fuiter des informations confidentielles et est poursuivi aux États-Unis pour de graves crimes», a rappelé la porte-parole du département d'État.