Les révélations sur l'ampleur des programmes de surveillance de la NSA des citoyens américains aussi bien que des chefs d'État étrangers suscitent des craintes aux États-Unis sur la supervision d'une agence que certains croient devenue incontrôlable.

Les métadonnées téléphoniques des citoyens américains enregistrées, les communications de millions de Français écoutées, le portable de la chancelière allemande sur écoute... Depuis juin, les fuites d'Edward Snowden, un ancien consultant de l'agence chargé de la surveillance des communications, ont ouvert la boîte de Pandore et mis l'administration Obama sur la défensive.

Elle a été contrainte de reconnaître les inquiétudes des Américains sur le respect de leur vie privée et l'affaire a affaibli la position du président, Barack Obama, vis-à-vis de ses alliés européens, du Brésil ou encore du Mexique. Au point de s'interroger sur la nécessité avancée par les patrons du renseignement de collecter tant de données au nom notamment de la lutte contre le terrorisme.

«Nous voulons être sûrs que nous collectons du renseignement parce que nous en avons besoin et pas parce que nous le pouvons», a admis jeudi Lisa Monaco, une conseillère du président pour l'antiterrorisme. Dans une tribune dans le USA Today, elle a toutefois plaidé que le renseignement américain faisait l'objet de «davantage de restrictions et de supervision que n'importe quel autre pays dans l'histoire».

Cela a été vrai après les abus sous la présidence Nixon et la création en 1978 de la Foreign Intelligence Surveillance Court (FISC), un tribunal secret chargé de superviser les programmes de surveillance de l'Agence nationale de sécurité (NSA), plaide Gordon Adams, professeur à l'American University à Washington.

Mais tout a changé depuis le 11-Septembre et le Patriot Act voté dans la foulée, explique à l'AFP cet ancien de l'administration Clinton: «Dans ce climat de peur, on a tout simplement supprimé le contrôle de la communauté du renseignement. Cela a ouvert les vannes à un comportement de franc-tireur».

Cow-boy du renseignement

«Et quand la NSA dit qu'elle agit dans le cadre de la loi, la réalité est que les législateurs lui ont donné une marge de manoeuvre immense dont elle s'est intégralement saisie», juge-t-il.

Mais cela n'en fait pas pour autant une agence «voyou» selon lui, juste «une organisation qui essaie d'accomplir sa mission sans avoir à rendre de comptes».

Dans un portrait au vitriol du général Keith Alexander, le patron de la NSA, le magazine Foreign Policy le compare à un cow-boy, citant un ancien responsable du renseignement selon qui le général ne s'inquiète pas tant du respect de la loi que de voir le travail accompli.

Pour Greg Nojeim, du Centre pour la démocratie et la technologie, un cercle de réflexion militant pour la liberté d'internet, «malgré tous les mécanismes mis en place pour protéger la vie privée, le fait est que la supervision ne fonctionne pas».

«Une des principales raisons de cet échec est que les responsables du renseignement ont berné le Congrès et le public» sur l'ampleur de leur collecte. «Ils ont même induit en erreur la FISC», la cour chargée de leur contrôle.

Plusieurs sénateurs démocrates de la commission du Renseignement comme Ron Wyden ou Mark Udall se sont notamment émus d'avoir été maintenus dans l'ignorance des agissements de la NSA.

Un autre analyste, Jim Harper,  du Cato Institute, observe de son côté que la supervision des activités de la NSA par un tribunal secret n'a pas de sens et est contraire au principe élémentaire de toute transparence.

Pour Greg Nojeim, «au bout du compte, peu importe le degré de supervision, il n'y a pas de substitut aux limites légales et, pour le moment, nous ne les avons pas».

Et cela risque de ne pas changer, selon Carrie Cordero, professeure à la Georgetown University: «la plupart des projets qui existent au Congrès aujourd'hui proposent d'amender le système existant, peut-être en introduisant plus de transparence, mais en maintenant son intégrité».