Loin de la route principale, au bout d'un chemin poussiéreux bordé de champs de canne, les jeunes sans-abri de l'orphelinat chrétien de Léogâne ouvrent grand les yeux à la vue d'un camion de l'ONU: l'aide arrive enfin, 11 jours après le séisme qui a ravagé Haïti.

«Ces vivres vous sont offertes par les Etats-Unis. Nous travaillons avec eux», déclare solennellement le commandant des forces sri-lankaises de l'ONU à Léogâne, Belagaswatta Chandina.

«Merci, merci, thank you», s'exclame le pasteur Jean-Claude Chalier, entouré d'une nuée de gamins pieds nus.

Dans un quartier reculé de cette ville placée sur l'épicentre du tremblement de terre, l'orphelinat de deux étages n'est plus qu'un tas de gravats. Par miracle, la plupart des enfants se séchaient au soleil après la douche quand le bâtiment s'est effondré. Aucun n'est mort.

Mais avec la concentration des secours à Port-au-Prince, à 17 km à l'est, la centaine de survivants ne comptaient que sur eux-mêmes depuis le 12 janvier.

Trois employés d'une agence humanitaire américaine, International Crisis Aid, sont déjà sur place avec un camion rempli de couvertures et de lait en poudre.

«On a découvert l'orphelinat hier, on a donné l'alerte», explique un bénévole, Pat Bradley.

Autour de lui, les enfants interrompent leurs jeux pour observer avec curiosité le déchargement de nourriture.

Pendant le séisme, «j'étais au deuxième étage et j'ai couru dehors», raconte Fernande, 12 ans. «Maintenant je dors là», dit-elle en montrant du doigt un matelas posé sur des parpaings, à l'ombre des bananiers. Derrière elle, assommé par la chaleur, un bébé dort nu sur une couverture sale.

Un soldat canadien fait une attelle a une adolescente restée coincée deux jours dans les décombres, avant d'être extraite par des voisins.

«Je suis venu voir s'il y avait des enfants malades. Rien de grave mais certains sont blessés aux pieds et aux mains, d'autres sont déshydratés», explique Nicolas Champagne Leblanc.

L'ONU promet de revenir, puis le convoi s'ébranle. Il reste des vivres dans le camion.

«On va aller distribuer le reste de l'aide aux gens du quartier, sinon ils risquent de venir piller l'orphelinat», explique un Casque bleu.

Quelques centaines de mètres plus loin, le véhicule s'arrête en plein milieu de la rue, bordée de maisons brisées par le séisme. Très vite, une petite foule se forme. Les militaires sri-lankais demandent aux femmes et aux enfants de former une file. Les hommes seront servis en dernier.

«Seules les femmes travaillent et organisent les choses dans ce pays. Les hommes ne font rien», observe le commandant de l'ONU.

La distribution commence dans un joyeux désordre. L'arrière du camion est entouré d'un océan de main tendues. Les enfants déjà servis vont cacher les bouteilles d'eau puis reviennent prestement dans la file, sous l'oeil amusé des Casques bleus.

Eau, thon en boîte, biscuits, tout disparaît prestement dans les mains des villageois, en deuil de dix des leurs.

«C'est une bonne nouvelle. On avait rien reçu depuis mardi», sourit une mère de famille.

L'ONU repart se fournir en vivres auprès des Marines américains, qui veillent sur les stocks d'aide humanitaire à quelques kilomètres de là.

Une boîte de sardines ouverte, mangée à la hâte aussitôt reçue, jonche le sol, promptement ramassée par un chien famélique.