Malgré quelques signes encourageants, il manque encore de tout à Port-au-Prince.

Les files s'allongent devant les quelques établissements qui commencent à rouvrir leurs portes. Et partout dans les rues, des dizaines de milliers d'Haïtiens marchent, bouteille ou bidon à la main, à la recherche de précieux liquide pour le remplir: de l'eau ou du carburant. Pendant ce temps, les communications sont de mieux en mieux rétablies. Dans le quartier Pétionville, en face de la place Saint-Pierre où sont amassés des centaines de sinistrés, une trentaine de personnes attendent sous le soleil leur tour pour téléphoner à leurs proches à l'étranger, une initiative débutée samedi midi par Télécoms sans frontière.

«On a que trois minutes pour communiquer l'essentiel», précise l'un d'eux.

«La première chose qu'ils vont dire, c'est: on est vivant et la maison est tombée - c'est presque toujours le cas. Et ensuite, c'est le mauvaises nouvelles», explique Simon Genin, un travailleur de l'organisme.

La téléphonie sans-fil se remet aussi en marche. La première à le faire a été Voilà, l'une des trois compagnies principales d'Haïti, qui fonctionne de manière intermittente depuis mercredi, après avoir rapidement réparé leur tour de transmission.

«Il n'y a qu'un seul point de vente assez sécuritaire pour ouvrir et vendre des cartes», précise toutefois le directeur du marketing, Christopher Lewis. Là encore, une quarantaine de personnes font le pied de grue devant le magasin, surveillées par des gardes armés jusqu'aux dents.

Devant un autre camp de sinistrés du quartier Petionville, un camion citerne remplit des galons d'eau potable pour les rescapés assoiffés qui se sont rués à ses côtés.

Des organisations internationales auraient aussi commencé à distribuer un peu de nourriture par endroits.

Et des étudiants rassemblés autour de certaines grandes places font ce qu'ils peuvent pour aider, comme Jude, qui tente d'établir un point de ralliement pour rassembler les familles séparées par la catastrophe. «Il y a beaucoup d'enfants qui se retrouvent seuls», croit-il.

Mais malgré ces efforts, la population se plaint encore des secours qui arrivent trop peu et trop lentement.

Interrogé pour savoir ce qu'il manque, un coordonateur d'aide communautaire dresse pendant plusieurs minutes une liste de médicaments et d'articles essentiels.

Dans une pharmacie aux tablettes presque vides, un pharmacien s'inquiète pour savoir s'il pourra garder ses portes ouvertes encore longtemps.

«On a un épuisement complet des stocks», dit-il, ajoutant qu'il n'arrive pas à entrer en contact avec les agences de produits pharmaceutiques.

«Malheureusement, on ne peut pas faire face à cette situation dramatique.»

Un épicier qui a ouvert ses portes pour la première fois hier, et seulement pour quelques heures, se demande s'il pourra les rouvrir le lendemain.

«C'est au jour le jour. On ne sait pas, avec les secousses... Parce que mine de rien, on a l'air à l'aise, mais on a peur quand même.»

Il raconte comment, sur l'heure du midi, une faible secousse a causé la panique dans le magasin et que tout le monde s'est rué vers la sortie.

«Même si on a la certitude à 90% que le bâtiment est stable... Dans nos têtes, on n'est pas sûrs à 100%. Vous comprenez?»

Pour lui aussi, il y a la question de l'approvisionnement. «On n'a pas de réserve. On va essayer de trouver une solution, mais la distribution, ça prend un motton de gaz. Or, comme il n'y a plus de gaz du tout...»

C'est la cohue devant les quelques stations-services où on trouve parfois du carburant. Les motos, voitures, camions et les piétons s'agglutinent pêle-mêle autour des pompes, jusqu'à ce que quelqu'un annonce à la foule mécontente qu'il ne reste plus rien.

Des radios locales rapportent maintenant que sur le marché noir, le bidon se vend jusqu'à dix fois le prix.