À Édimbourg, sur les îles et dans les villages, l'Écosse retenait son souffle mercredi à la veille d'un référendum d'autodétermination qui s'annonce serré, alors que les partisans du Oui et du Non jetaient leurs dernières forces dans la bataille pour convaincre les indécis.

Cette consultation pourrait marquer la fin d'une union vieille de 307 ans entre l'Écosse et l'Angleterre, conduire à l'éclatement d'un royaume et déboucher sur la création d'un nouveau pays en Europe.

Face à des enjeux aussi colossaux, cette région septentrionale de 5,3 millions d'habitants vivait avec frénésie les dernières heures de la campagne.

Après deux ans de débats passionnés, une longue et écrasante domination du Non avant le spectaculaire sursaut du Oui dans la dernière ligne droite, le suspense reste entier quant à l'issue du scrutin dont on devrait connaître le verdict vendredi peu avant l'aube.

Les quatre derniers sondages faisaient certes état d'une victoire étriquée du Non. Mais l'écart entre les deux camps continue à se situer dans la marge d'erreur des 3%. Et la part des indécis reste importante, rendant le résultat de la consultation hautement imprévisible.

«Moi j'étais pour le Non mais ma réflexion a évolué et aujourd'hui j'en suis au peut-être», souligne Liam Yeats, un étudiant en musique d'Aberdeen de 17 ans.

David Dalgleish, un habitant d'Edimbourg partisan de l'union, pense, lui, que «les gens vont se réveiller et voter Non».

Le saut dans l'inconnu effraye aussi Fatima Somner. «Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas claires», estime cette Edimbourgeoise d'adoption.

«L'indépendance, un champ de mine»

«Aujourd'hui, les soins médicaux sont gratuits. Comment cela se passera si le Oui gagne? Et nous n'avons pas de base militaire. Nous ne sommes pas prêts. Ce serait une catastrophe», s'alarme cette caissière de 45 ans, avant d'être interrompue par une cliente qui, elle, votera oui.

«Je suis pour l'indépendance, pour que nous puissions contrôler notre propre destinée. Nous sommes assez grands et courageux pour le faire», martèle Eileen, qui se dit lasse des menaces brandies par le camp du Non.

Conscients que la balance peut pencher d'un côté comme de l'autre, les chefs de file des deux camps sonnaient le rappel de leurs troupes. Celui du Oui a mobilisé 40 000 militants pour distribuer trois millions de tracts jusqu'aux dernières heures de la campagne.

Cette indépendance «faisons-la!», a appelé de son côté le leader des indépendantistes, Alex Salmond, dans une lettre solennelle adressée au peuple écossais.

Dans la soirée, il a renouvelé ce message lors d'un rassemblement à Perth. «C'est l'occasion d'une vie, saisissons-la des deux mains», a-t-il dit sous les cris «Yes we can» d'une foule survoltée.

Le camp du Non a lui tenu meeting à Glasgow, la ville la plus peuplée d'Écosse, terre traditionnelle des travaillistes, où, selon les analystes, le scrutin devrait se jouer en grande partie.

L'indépendance est un «piège duquel nous risquons ne jamais pouvoir échapper», «un champ de mine économique où on risque d'exploser à tout moment», a lancé l'ancien Premier ministre travailliste Gordon Brown, qui a volé au secours d'une campagne pour le Non qui battait de l'aile.

Le sort de Cameron dans la balance

Il a été applaudi par Heather Whiteside, étudiante à l'université de Glasgow terrifiée. «Le nationalisme est un danger de la politique. Il monte des barrières artificielles entre les peuples», dit-elle.

Le leader du Non, l'ancien ministre des Finances Alistair Darling, a rappelé, lui, que l'Écosse allait bénéficier de nouveaux pouvoirs, en matière fiscale notamment, en cas de maintien dans le Royaume-Uni. Cela permettrait un «changement plus rapide et plus sûr que les années d'errance qui suivraient automatiquement» celle du Oui, a-t-il martelé.

De l'étranger aussi, les appels à l'union ont afflué. Les aspirations à l'indépendance «torpillent» l'esprit européen, a ainsi estimé le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, confronté à des velléités similaires en Catalogne. Les perspectives pour le whisky, trésor national, seraient négatives à court terme, a appuyé la banque néerlandaise Rabobank.

Pour les supporters du Oui, ces menaces ne font cependant que décupler leur envie de s'affranchir de la classe politique de Westminster.

Le choix des Écossais pourrait également sceller le sort du Premier ministre britannique David Cameron, étroitement associé à la campagne du Non et qui a qualifié mercredi de «tragédie» le scénario d'une scission.

Les bureaux de vote ouvriront jeudi matin à 07h00 et fermeront à 22h00, alors que près de 600 000 des 4,2 millions d'électeurs appelés aux urnes ont déjà voté par correspondance.