Israël et les Palestiniens apparaissaient lundi déterminés à consommer leur rupture, à la veille de la date butoir des négociations de paix parrainées par l'administration américaine, une échéance de toute façon jugée irréaliste depuis plusieurs mois.

Tirant la leçon de neuf mois d'efforts infructueux et de multiples navettes, le secrétaire d'État américain John Kerry a mis en garde Israël contre le risque de devenir un «État d'apartheid avec des citoyens (arabes, NDLR) de seconde classe» en cas d'échec de la solution à deux États.

M. Kerry, qui a fait ces déclarations lors d'une réunion à huis clos vendredi, a néanmoins estimé prématuré d'enterrer le processus de paix, rapporte le site d'information américain Daily Beast.

L'émissaire américain Martin Indyk est d'ailleurs reparti dimanche pour des consultations à Washington, à la suite de la suspension des discussions par le gouvernement du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu le 24 avril, selon les médias israéliens.

Les Palestiniens ont également pris acte de cette suspension, au lendemain de la conclusion d'un nouvel accord de réconciliation entre l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) du président Mahmoud Abbas et le Hamas, au pouvoir à Gaza, qui ne reconnaît pas Israël. Cet accord prévoit la formation d'un gouvernement transitoire de consensus composé de personnalités indépendantes.

«Pendant les pourparlers, la division était une arme utilisée tous les jours par Israël qui demandait ce que nous ferions au sujet de Gaza», a expliqué le négociateur palestinien Saëb Erakat à la radio officielle Voix de la Palestine.

«Quand nous avons commencé à y remédier par la réconciliation, Israël a exploité cela en disant que les efforts de paix étaient incompatibles avec la réconciliation. Si on ne peut faire la paix ni sans Gaza ni avec Gaza, c'est qu'il y a un objectif d'Israël: ne pas faire la paix. Ils veulent tuer la solution à deux Etats», a-t-il accusé.

Le Conseil central palestinien, une instance dirigeante de l'OLP, a adopté dimanche un plan prévoyant la poursuite des démarches d'adhésion à une soixantaine d'instances de l'ONU et accords internationaux, après l'admission de la Palestine début avril à 15 conventions et traités internationaux.

La direction palestinienne estime que le refus d'Israël de libérer le 29 mars comme prévu un dernier contingent de prisonniers, exigeant une prolongation des négociations au-delà du 29 avril, l'a déliée de son engagement à suspendre de telles initiatives jusqu'à la fin des pourparlers.

«Gouvernement non politique»

Israël a pour sa part gelé les projets de construction de logements palestiniens dans les 60% de la Cisjordanie occupée sous son contrôle total pour sanctionner les démarches des Palestiniens dans l'arène internationale.

Le général Yoav Mordehaï, chef de l'administration militaire israélienne, a confirmé dimanche ce gel, qui concerne une série de projets précédemment avalisés par le ministre de la Défense Moshé Yaalon.

«Ces projets portaient sur la construction d'environ 600 logements ainsi que sur la légalisation d'habitations érigées sans permis», a précisé un officier du ministère de la Défense.

L'administration militaire a également gelé cinq projets non autorisés soutenus par des fonds étrangers: un terrain de jeux financé par le gouvernement italien, la modernisation de puits avec un financement suédois, la distribution dans deux cas de tentes par l'ONU ainsi que d'abris par une ONG française.

Le député Tzahi Hanegbi, un proche de M. Netanyahu, a approuvé la volonté exprimée par le président américain Barack Obama de faire une «pause» dans les discussions. «Il faut attendre de comprendre la signification de l'accord de réconciliation palestinien», a déclaré M. Hanegbi.

«Israël doit agir avec retenue, intelligemment, et ne pas faire le jeu des Palestiniens en les aidant à sortir du piège dans lequel ils sont tombés», a-t-il ajouté.

Il a ainsi rejeté l'idée d'une annexion des 60% de la Cisjordanie sous contrôle total israélien prônée par Naftali Bennett, ministre de l'Économie et chef du «Foyer juif», un parti pro-colonisation, ainsi que par celui des Communications, Gilad Erdan, autre proche de M. Netanyahu.

Un dirigeant du Hamas, Moussa Abou Marzouk, en charge du dossier de la réconciliation, a rappelé lundi que «le prochain gouvernement ne serait pas politique», dans un discours à Gaza.

Cet exécutif non partisan aura pour missions principales de restructurer les services de sécurité, préparer des élections dans un délai de six mois et de reconstruire la bande de Gaza, comme le prévoient les précédents accords de réconciliation signés au Caire en 2011, a-t-il indiqué.