Hier, au petit matin, des pelles mécaniques se sont mises en marche dans au moins trois colonies juives de Cisjordanie. Leur vacarme a confirmé tant aux Palestiniens qu'aux Israéliens que, malgré les demandes répétées du gouvernement américain, le premier ministre de l'État hébreu, Benyamin Nétanyahou, a refusé de prolonger le moratoire sur les nouvelles constructions dans ces enclaves controversées. Cette décision a eu l'effet d'une douche froide sur le processus de paix israélo-palestinien, qui a repris il y a moins d'un mois. Survol des enjeux.

Q : Où en est la colonisation juive en Cisjordanie?

R : Depuis 1967, 121 colonies juives officielles et une centaine de colonies sauvages ont été construites à l'intérieur des territoires palestiniens de Cisjordanie. Près de 300 000 colons juifs ont élu domicile au coeur des territoires occupés, où habitent aussi 2,5 millions de Palestiniens. De plus, environ 100 000 Israéliens vivent dans 12 quartiers majoritairement palestiniens de Jérusalem-Est, annexés par le gouvernement israélien.

Selon un rapport de l'organisation B'tselem, qui a utilisé des chiffres du gouvernement israélien, les colonies occupent 9% de la Cisjordanie.

Depuis novembre 2009, le gouvernement israélien avait imposé un moratoire sur toute nouvelle construction dans les colonies. Seules les maisons déjà commencées pouvaient faire l'objet de travaux. Ce moratoire est arrivé à échéance dimanche. Hier, de nouveaux chantiers ont débuté.

Q : Qui sont les colons?

R : Au début, la colonisation a surtout attiré des idéologues religieux qui considèrent qu'ils occupent la terre que Dieu avait promise au peuple juif. Cependant, au cours des années, des mesures mises en place par le gouvernement israélien ont incité d'autres populations - motivées par les logements abordables plus que par le dogme religieux - à s'installer dans les colonies, explique Sami Aoun, professeur de sciences politiques à l'Université de Sherbrooke.

Q : Les colonies juives sont-elles légales?

R : La loi internationale ne reconnaît pas les colonies juives, mais Israël, sur la base d'une loi qui remonte à l'époque de l'Empire ottoman, conteste les décisions rendues par les tribunaux internationaux.

Q : Quelle est la position américaine sur la question?

R : Depuis son arrivée au pouvoir, Barack Obama a maintes fois demandé à Israël de mettre un frein à la colonisation. D'ailleurs, le moratoire de 10 mois qui vient tout juste de se terminer était une importante concession du gouvernement de droite que dirige Benyamin Nétanyahou. Hier, le gouvernement Obama a exprimé sa «déception» à l'égard de la fin du moratoire.

Q : Quel impact la fin du moratoire aura-t-elle sur les négociations en cours entre les Israéliens et les Palestiniens?

R : En entamant les négociations, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a dit que les pourparlers de paix seraient «une perte de temps» si Israël ne prolongeait pas le moratoire d'au moins trois mois. Cependant, hier, M. Abbas a dit qu'il consulterait les autres membres de la Ligue arabe et le conseil de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) avant de faire connaître sa décision de poursuivre ou non les négociations. Son annonce est attendue le 4 octobre.

Q : Pourquoi Nétanyahou refuse-t-il de prolonger le moratoire?

R : Maintenir la colonisation est un engagement électoral de la droite israélienne, rappelle Sami Aoun. S'il déçoit son électorat de droite, Benyamin Nétanyahou risque de faiblir devant les faucons qui font partie de sa coalition. Aussi, on doit savoir que Nétanyahou a peur qu'Israël perde la bataille démographique, la «guerre des berceaux» contre les Arabes, expose le politologue. Nétanyahou affirme depuis le début des pourparlers de paix que le moratoire sur la colonisation doit faire partie des négociations et non pas représenter une condition préalable aux discussions bilatérales.

Q : Y a-t-il un compromis possible?

R : Le fait que Mahmoud Abbas n'annonce pas sa décision avant le 4 octobre donne à toutes les parties la possibilité de négocier dans les coulisses pour sauver le processus de paix. Il est notamment possible qu'Israël obtienne des concessions des États-Unis ou des Palestiniens en échange d'un nouveau moratoire. Les prochains jours seront déterminants.