Bombardements, tirs, peur : Mohamed Sabri Bahri croyait avoir fui le danger en quittant la Syrie. Neuf mois plus tard, sa famille et lui sont secoués par l'opération militaire israélienne dans la bande de Gaza.

Quand Mohamed Sabri Bahri est descendu dans le long tunnel noir qui relie l'Égypte à la bande de Gaza, il savait une chose: peu importe ce qui se passerait de l'autre côté, il ne pourrait pas retourner en arrière. Jamais il ne pourrait revenir en Syrie.

Le chauffeur de taxi de 33 ans est originaire du camp palestinien de Dera'a. Comme près de 3 millions de réfugiés de Palestine en Syrie, en Jordanie et au Liban, il vivait jusqu'à récemment dans une de ces similivilles où les déplacés de 1948 et leur descendance s'entassent dans une grande misère.

Il y a neuf mois, il a décidé de partir, avec sa femme, leur fille et leurs deux garçons. Ils voulaient laisser derrière eux les atrocités d'une guerre particulièrement cruelle, qui sévit en Syrie depuis plus de trois ans, pour une vie plus paisible.

Mais pour aller où? Les pays frontaliers ont du mal à absorber le flux de réfugiés. Le Liban et la Jordanie refusent maintenant systématiquement les réfugiés palestiniens de Syrie. Il restait une option: entrer en territoire palestinien.

«Je me suis dit: «la Palestine, c'est ma terre, mon pays, c'est probablement mieux»», explique Mohamed Sabri Bahri.

Une traversée risquée

La famille a signé un document de non-retour au gouvernement syrien pour pouvoir fuir le pays, raconte M. Sabri Bahri, en montrant un papier frappé de la photo du président syrien Bachar al-Assad. Ils ont ensuite traversé le paysage sablonneux de la Jordanie en autobus.

Arrivés dans le sud du pays, ils ont mis le cap sur l'Égypte. Avec leurs trois enfants de 2 ans et demi, 4 ans et 10 ans - la plus jeune n'était pas née -, ils sont descendus dans un tunnel sous terre. Ces souterrains, qui permettent au Hamas de s'approvisionner en armes, sont souvent la cible de frappes israéliennes.

«C'est sûr que c'était très dangereux, concède Mohamed Sabri Bahri. Mais personne n'accepte les Palestiniens nulle part.»

L'opération israélienne ravive des souvenirs douloureux pour sa famille. «Tout est détruit en Syrie, raconte sa femme Rasha, Syrienne d'origine. Nous avons déménagé de la guerre vers une autre guerre. On espérait trouver la sécurité, on a trouvé la guerre.»

Ils habitent à Rafah, qui, comme beaucoup de villes le long de la frontière, est particulièrement touché par les frappes israéliennes. Leur maison est faite de murs de tôle, posés à même le sol, sur une terre sèche comme du sable. La semaine dernière, un membre de la famille élargie a été tué à quelques mètres par une frappe israélienne. «S'il y a une explosion, nous ne sommes pas protégés, ajoute M. Sabri Bahri. Mais nous n'avons pas d'argent pour louer quelque chose de mieux. C'était le moins cher.»

La famille reçoit une aide financière de l'Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA), mais estime que c'est insuffisant.

Mohamed Sabri Bahri en veut aux pays arabes de ne pas aider davantage les gens dans sa situation. Debout dans son petit logis, frêle et anxieux, il rêve de partir vers un autre pays, n'importe lequel. Pourvu qu'il soit en paix.