Un compromis semblait dimanche en vue sur le nucléaire iranien  à deux jours de la date fixée pour parvenir à un accord, mais les tractations acharnées se poursuivaient à Lausanne pour venir à bout des derniers problèmes.

La possibilité d'une entente historique sur le dossier nucléaire iranien, qui empoisonne la vie internationale depuis plus de 12 ans, a suscité une violente charge du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou contre «un dangereux accord» qui permettrait à l'Iran de «conquérir» le Moyen-Orient.

«Le dangereux accord qui est négocié à Lausanne confirme à nouveau toutes nos inquiétudes, voire même au-delà», a affirmé M. Nétanyahou qui se bat depuis des années pour mobiliser la communauté internationale contre le programme nucléaire iranien.

L'un des points qui semble avoir été résolu concerne le nombre de centrifugeuses (machines permettant d'enrichir l'uranium), que l'Iran aurait accepté de voir réduit à 6000, voire moins, selon une de ces sources occidentales.

L'Iran dispose actuellement de quelque 19 000 centrifugeuses, dont la moitié sont en activité.

Par ailleurs, Téhéran aurait accepté d'exporter tout ou partie de son stock d'uranium faiblement enrichi, qui se monte à environ 8000 tonnes. «Il s'agit de spéculations journalistiques», ont cependant affirmé sur ce point des sources iraniennes.

En outre, le site souterrain de Fordo, près de la ville sainte de Qom, cesserait d'enrichir de l'uranium, selon un autre diplomate, laissant entendre que le site pourrait continuer à fonctionner pour d'autres usages.

Ces compromis ne sont cependant pas encore actés, et les choses peuvent encore changer, ont prévenu les diplomates.

«Le détail des négociations est à l'intérieur de la chambre des négociations et personne n'est autorisé à les donner à l'extérieur», a déclaré un diplomate iranien.

«Mais le fait que nous conserverons notre enrichissement, que nous aurons un nombre substantiel de centrifugeuses, qu'aucun site ne sera fermé, en particulier celui de Fordo, ce sont les bases des négociations», a-t-il dit.

La question de l'enrichissement d'uranium est au coeur du dossier du nucléaire iranien. Les grandes puissances (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie, Chine et Allemagne) veulent s'assurer que l'Iran ne se dotera pas de la bombe atomique, en contrôlant étroitement ses activités nucléaires. En échange de quoi les sanctions internationales qui asphyxient l'économie iranienne depuis des années seraient progressivement levées.

Des problèmes subsistent

La levée des sanctions justement, ainsi que la question de la recherche et du développement dans le domaine nucléaire sont les deux principaux sujets qui posent toujours encore problème, selon des diplomates iraniens et occidentaux.

Téhéran demande la levée totale des sanctions internationales, particulièrement les mesures décidées par l'ONU, alors que pour les pays occidentaux, la levée ne peut être que graduelle.

L'Iran insiste également pour pouvoir faire de la recherche et du développement, notamment afin d'utiliser à terme des centrifugeuses plus modernes et plus puissantes pour enrichir l'uranium. Mais les pays occidentaux et Israël estiment que le développement à terme de telles centrifugeuses permettra à l'Iran de réduire le «breakout», temps nécessaire pour avoir suffisamment d'uranium enrichi pour fabriquer une bombe atomique.

Les deux parties semblent en désaccord sur la période pendant laquelle l'Iran ne pourra pas utiliser des machines plus modernes.

En attendant, les tractations se poursuivent dans le palace Beau Rivage qui surplombe le Lac Léman.

À l'exception des russe Sergueï Lavrov et britannique Philip Hammond, attendus plus tard dans la journée, tous les chefs de la diplomatie du groupe P5+1 (États-Unis, Grande-Bretagne, Russie, France, Chine et Allemagne) étaient sur place dimanche pour l'épilogue de ce feuilleton à rallonge.

«Beaucoup de travail reste à faire», a déclaré dimanche le Français Laurent Fabius, qui à l'instar de John Kerry et Frank Walter Steinmeier, a bousculé son agenda pour pouvoir rester à Lausanne.

«Si on parvient à régler les problèmes restants aujourd'hui ou d'ici deux ou trois jours, on pourra commencer la rédaction d'un texte. Mais pour le moment nous discutons encore», a indiqué une source iranienne.

La date fixée pour un accord final, incluant toutes les annexes techniques de ce dossier extrêmement complexe, est fixée au 30 juin, mais la fin mars est une «étape très importante» pour permettre aux négociations de se poursuivre, reconnaissent plusieurs diplomates.

Même si personne ne sait encore quelle forme prendra cette entente - si elle est conclue. Une «liste» de paramètres abordant les points au coeur de la négociation ? Un document non public et non signé, mais qui fixerait de façon assez précise les objectifs à atteindre ?

«Cela peut prendre la forme d'une déclaration que les parties feront», selon une source iranienne.

«Je pense que l'option la plus probable est qu'ils vont faire une annonce, dire qu'ils sont parvenus à un accord sur les éléments clés, et qu'ils vont passer les trois prochains mois à écrire le brouillon de cet accord et son plan de mise en oeuvre», estime Ali Vaez, spécialiste du centre de réflexion International Crisis Group (ICG).