L'administration américaine, qui tente de mettre la dernière main à une entente majeure avec l'Iran pour garantir le caractère pacifique de son programme nucléaire, craint de voir le processus torpillé par une intervention «prématurée» du Congrès.

Le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères, Bob Corker, pilote un projet de loi qui donnerait sur papier aux élus le pouvoir de voter sur toute entente éventuelle.

Le texte précise que la levée de sanctions américaines ciblant l'Iran serait conditionnelle à cette approbation.

Dans une lettre adressée il y a quelques jours au président américain, le sénateur Corker exige d'obtenir l'assurance que l'administration fera valider l'entente par le Congrès, même s'il n'y a pas d'obligation juridique claire à ce sujet.

Le chef de cabinet de la Maison-Blanche, Denis McDonough, relève dans une réponse écrite au sénateur que le projet de loi à l'étude risque d'avoir un impact « profondément négatif » sur les négociations en cours avec Téhéran.

M. McDonough souligne que l'initiative, en véhiculant l'idée que le Congrès a le pouvoir de bloquer l'entente, va enhardir les tenants de la ligne dure en Iran. Et renforcer leur prétention que l'administration américaine ne pourra ultimement respecter ses engagements.

Le représentant du président note que l'administration ne croit pas qu'il soit opportun de légiférer sur le dossier alors que les négociations ne sont pas terminées. Il assure enfin qu'un débat «robuste» au Congrès suivra toute entente, même si celle-ci n'a pas, selon lui, à être approuvée par les élus en poste.

James Walsh, spécialiste du dossier nucléaire iranien au Massachusetts Institute of Technology (MIT), est d'avis que l'administration peut donner son aval à une telle entente sans approbation formelle du Congrès.

Le président Obama, dit-il, pourra décider seul de retirer les sanctions imposées par l'exécutif en contrepartie de l'assurance que l'Iran ne pourra se doter de l'arme nucléaire.

Il ne pourra cependant lever sans consultation les sanctions relevant du Congrès, ce qui «garantit» en quelque sorte que les élus auront leur mot à dire à un certain stade du processus, relève M. Walsh.

«Le but officiel du projet de loi est de faire en sorte que le Congrès ait son mot à dire, mais on voit en le lisant que le véritable but est de saboter les négociations», souligne l'analyste.

Il évoque notamment un passage de la loi qui donnerait aux élus le pouvoir de torpiller toute entente sur le programme nucléaire s'il s'avère que l'Iran a joué un rôle dans une action terroriste contre les États-Unis.

«Il suffirait qu'un tenant de la ligne dure ordonne au Hezbollah de s'en prendre à un bâtiment américain au Liban pour tout faire dérailler», note M. Walsh, qui reproche au Congrès, à majorité républicaine, d'agir à des fins partisanes.

La semaine dernière, un groupe de sénateurs républicains avait pris l'initiative d'écrire directement au régime iranien pour le prévenir que toute entente pourrait être modifiée par le Congrès et même être révoquée par un futur président.

Cette intervention a été largement critiquée dans les médias américains. Le New York Times, dans un éditorial cinglant qui critique «l'idiotie républicaine sur l'Iran», relevait il y a quelques jours que le parti cherche à «saboter toute entente éventuelle » sans égard aux « intérêts sécuritaires du peuple américain».

Une pétition a été lancée par une organisation de gauche qui reproche aux sénateurs qui ont écrit à Téhéran d'avoir enfreint la loi en intervenant auprès d'une puissance étrangère pour infléchir sa position par rapport aux États-Unis.

«Personne n'a jamais été accusé sur la base de cette loi, alors cette initiative n'a aucune chance de donner des résultats», précise M. Walsh.

Selon lui, la lettre des sénateurs n'a pas vraiment eu de conséquences sur les négociations, qui se poursuivent actuellement à Lausanne, en Suisse.

Lundi, le président du Parlement iranien, Ari Larijani, a fustigé les menaces des sénateurs en relevant qu'il s'agit d'un groupe «d'amateurs» ayant «sapé leur propre intégrité».

Dans une intervention relayée par l'Agence France-Presse, il a assuré que les députés de son pays ne feraient pas dérailler une éventuelle entente puisqu'ils sont «sur la même voie» que le gouvernement.