Les dirigeants militaires israéliens tempèrent le risque que l'Iran décide de se doter de l'arme nucléaire et se montrent plus confiants dans l'efficacité des sanctions économiques, tablant sur la «rationalité» de Téhéran.

Cette analyse des hauts gradés de Tsahal tranche avec le discours du premier ministre Benyamin Nétanyahou, qui accusait il y a une semaine «les gens qui refusent de voir la menace iranienne» de n'avoir «rien appris de la Shoah».

Le chef d'état-major israélien, le général Benny Gantz, a confié au quotidien de gauche Haaretz ne pas croire que le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, «voudra franchir le pas supplémentaire» nécessaire pour la production d'armes nucléaires.

Le général Gantz -qui était récemment aux États-Unis- a même qualifié de «gens très rationnels» les dirigeants de Téhéran et estimé que les sanctions internationales commençaient «à porter leurs fruits».

Visiblement sur la même longueur d'onde, le ministre de la Défense Ehud Barak, de retour de Washington, a assuré que l'Iran n'avait «pas encore décidé de produire de bombe atomique».

Interrogé sur l'effet des sanctions internationales, M. Barak a lui aussi estimé que «si les Américains, les Européens et nous-mêmes sommes déterminés, il y a une chance d'arrêter les Iraniens avant qu'ils ne se dotent de l'arme atomique».

Ces déclarations surviennent le jour où Israël se recueille à la mémoire de ses soldats tombés au combat et à la veille du 64e anniversaire de sa création.

En mars, le New York Times avait indiqué que le service de renseignements israélien, le Mossad, partageait l'analyse américaine sur ce point.

Un ancien chef du Mossad, Meïr Dagan, qui pendant huit ans (2002-2010) fut chargé du «dossier iranien», s'est dit à maintes reprises opposé à ce stade à des frappes contre les sites nucléaires iraniens.

Selon un haut responsable israélien, s'exprimant sous couvert de l'anonymat, «le général Gantz ne fait que répéter tout haut et publiquement ce que les dirigeants militaires, y compris son prédécesseur le général Gaby Ashkenazi, n'ont cessé de dire aux politiques ces dernières années».

«Ehud Barak a pour sa part évolué et semble plus modéré. Avigdor Lieberman, le ministre des Affaires étrangères, a lui aussi récemment affirmé à des journalistes israéliens qu'il fallait donner une chance aux sanctions économiques et aux pressions diplomatiques», a déclaré ce responsable à l'AFP.

M. Lieberman, jamais à court de rhétorique nationaliste, aurait estimé la situation en Égypte plus inquiétante pour Israël que les ambitions nucléaires iraniennes.

«En fait, le premier ministre se retrouve un peu isolé sur l'Iran», a constaté le responsable israélien.

«Je serais très content si les sanctions et les pressions amenaient l'Iran à abandonner son programme nucléaire militaire», a réaffirmé M. Nétanyahou mardi à la radio, «mais je répète qu'il ne faut pas permettre à l'Iran de se doter de l'arme nucléaire et Israël doit conserver sa capacité à se défendre contre toute menace et à tout moment».

Interrogé par la chaîne américaine CNN sur l'impact de ses récentes déclarations, M. Nétanyahou a déclaré: «Je ne suis pas inquiet pour notre image. Je m'inquiète d'arrêter tout ça».

Les analystes considèrent qu'une décision d'attaquer l'Iran ne saurait être prise sans le soutien total de l'armée, du Mossad, du ministre de la Défense et de la majorité des ministres siégeant au cabinet de sécurité, ce qui ne serait pas le cas actuellement.

Israël souffle le chaud et le froid sur l'éventualité de frappes contre les installations nucléaires iraniennes.

Le gouvernement israélien a récemment appelé à la fermeté le groupe 5+1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne), dans ses discussions avec Téhéran sur son programme nucléaire controversé, qui doivent reprendre le 23 mai à Bagdad.

Israël accuse l'Iran de mettre ces négociations à profit «pour gagner du temps». Pour sa part, Téhéran proteste du caractère pacifique de son programme.