Donald Trump se répète à voix haute, comme un mantra, «reste concentré». De fait le républicain, qui rattrape son retard dans les sondages, affiche dans ses discours et sur les réseaux sociaux une discipline inaccoutumée depuis le lancement de sa course à la Maison-Blanche.

Une attitude récente, adoptée depuis le rebondissement-surprise en fin de semaine dernière de l'affaire des courriels qui empoisonne la campagne de sa rivale Hillary Clinton.

Le patron de la police fédérale FBI James Comey a informé par courrier des parlementaires de la découverte de courriels susceptibles d'être liés à cette affaire. En juillet, il avait annoncé la fin de l'enquête, sans préconiser de poursuites contre l'ex-secrétaire d'État.

Ce faisant, il a envoyé une bouée de sauvetage à la campagne de Donald Trump qui tentait avec grande difficulté de se relever du scandale provoqué par une vidéo de 2005 dans laquelle il tient des propos dégradants envers les femmes et se vante de comportements pouvant être qualifiés de harcèlement sexuel. Depuis, une dizaine de femmes l'ont accusé d'agressions sexuelles.

Le républicain exploite désormais l'annonce de M. Comey au maximum. Il a abandonné les appels téléphoniques provocateurs aux émissions de télévision, modère ses tweets et s'en tient fidèlement au télésouffleur.

Sa rhétorique se limite désormais à quelques points saillants: Hillary Clinton est corrompue, n'est pas digne de confiance et ne peut devenir présidente, les États-Unis ont besoin de changement et ce changement ne peut émaner que d'un outsider qui donne un coup de pied dans la fourmilière.

Exactement ce que ses conseillers préconisaient depuis plusieurs mois, jusqu'ici en vain.

«Gentil et calme. N'est-ce-pas? Reste concentré, Donald, reste concentré. Pas de digressions Donald, pas d'excès», s'est-il recommandé, d'un ton posé, mercredi lors d'un rassemblement à Pensacola, dans le crucial Etat de Floride (sud-est).

Avant de se déchaîner sur Hillary Clinton. S'il y a une chose qui ravisse les républicains et leurs alliés indépendants appréciant peu le milliardaire, c'est le sentiment que sa rivale est pire que lui.

Ascétisme

«Il ne reste qu'une personne, Hillary Clinton la crapule. Nous allons gagner», a lancé M. Trump. «L'important en fin de compte, c'est que personne ne veut quatre ans supplémentaires d'Obama», a-t-il poursuivi, considérant qu'une présidente Clinton poursuivrait la politique de son prédécesseur.

Mais l'homme d'affaires va-t-il parvenir à suivre cet ascétisme comportemental jusqu'au scrutin mardi ?

Car il est déjà passé par là, à suivre les télésouffleurs et à limiter ses sorties controversées sur Twitter. Avant de retomber dans ses travers lorsqu'il remontait dans les sondages.

N'importe quel autre candidat aurait été écarté de la course pour une seule de ces affaires, mais il est parvenu à traverser les tempêtes causées par les accusations d'agressions sexuelles, par le fait qu'il a évité de payer des impôts fédéraux sur le revenu pendant près de vingt ans, par des soupçons de liens avec le Kremlin, par ses propos sur les musulmans, les Mexicains. Ou encore par ses attaques contre les parents d'un militaire musulman tué en Irak, par ses critiques sur le physique d'une ancienne Miss Univers ou envers un juge fédéral d'origine mexicaine.

La presse américaine est truffée d'articles évoquant les appels de ses conseillers et de ses enfants pour qu'il adopte un ton présidentiel.

Avant l'annonce de M. Comey, le magazine New York comparait la tâche de Kellyanne Conway, sa directrice de campagne, à celle d'une mère de quatre enfants «ayant beaucoup d'expérience avec des gamins turbulents».

«Je dis «Voici quelques trucs cool que nous devrions tweeter aujourd'hui». C'est comme de dire à quelqu'un «Et si on mangeait deux brownies et pas six»», a-t-elle dit, selon le magazine.

Mais après dix-huit mois d'une campagne jalonnée d'insultes contre pratiquement tous les groupes démographiques des États-Unis, à l'exception des hommes blancs, cette attitude policée n'intervient-elle pas trop tardivement ?

Pas dans une élection qui repose sur la participation, estime Robert Shapiro, professeur de sciences politiques à la Columbia University: «Les gens ont sans doute pris leur décision le concernant, mais il n'est pas trop tard pour accroître la probabilité que ses soutiens aillent voter», explique-t-il à l'AFP.