Depuis le début des Jeux olympiques d'été, les téléspectateurs américains qui suivent à NBC les exploits de Michael Phelps, Simone Biles et autres athlètes en or sont bombardés de publicités diffusées par Hillary Clinton.

L'une vante le programme économique de la candidate démocrate à la présidence, une autre rappelle la fabrication en Chine ou au Bangladesh des vêtements vendus par Donald Trump, son rival républicain, et une autre encore critique le «tempérament» de ce dernier. Au total, Clinton a consacré plus de 52 millions de dollars depuis la fin des conventions des deux grands partis américains pour diffuser ces publicités nationales et d'autres qui ciblent les États clés du scrutin de novembre. Pendant la même période, Trump n'a pas dépensé un seul sou à ce chapitre ou diffusé une seule publicité.

La stratégie publicitaire de Donald Trump n'est qu'un exemple parmi d'autres de son refus de mener une campagne traditionnelle. Le candidat républicain répète que sa victoire dans la course à l'investiture républicaine prouve qu'il peut défier les lois de la politique et gagner à sa façon. Il entendrait ainsi conserver son argent pour commencer à diffuser des publicités après la fête du Travail. Mais il sera alors peut-être trop tard pour répondre aux attaques dévastatrices de son adversaire et la rattraper dans les sondages.

Moins d'effectifs

Trump accuse un autre retard important dans le déploiement des effectifs de sa campagne. Règle générale, à ce stade-ci de la course à la Maison-Blanche, les candidats ont déjà ouvert des dizaines de bureaux dans les États clés. Le personnel sur le terrain a notamment pour tâche d'identifier les électeurs, d'inscrire ceux qui ne le sont pas et de s'assurer qu'ils iront voter. Or, la semaine dernière, selon le Cincinnati Enquirer, Trump n'avait pas encore ouvert un seul bureau dans un comté de l'Ohio, celui d'Hamilton, sans lequel un candidat républicain ne peut espérer remporter la victoire dans le plus crucial des États du Midwest.

En Floride, autre État clé de l'élection présidentielle, Clinton compte déjà sur 200 employés et entend ouvrir 100 bureaux d'ici la fête du Travail. De son côté, le Comité national du Parti républicain tente de pallier la désorganisation de Trump avec 70 employés et une vingtaine de bureaux à l'échelle de l'État.

Cela dit, Trump n'ignore pas la Floride. Lors de rassemblements tenus dans cet État la semaine dernière, il a attiré des foules aussi grosses qu'enthousiastes. Celles-ci l'ont peut-être conforté dans l'idée qu'il n'a pas besoin d'une infrastructure traditionnelle pour mobiliser ses électeurs. Mais ces foules n'ont pas changé depuis les primaires. Et elles risquent de mener leurs héros dans un cul-de-sac électoral.

Trump au Connecticut

Trump s'écarte également de la tradition des campagnes présidentielles par son emploi du temps. Samedi soir, par exemple, il a fait campagne au Connecticut, un État que les républicains n'ont pas gagné depuis 1988. «Vous savez, nous allons mettre le paquet au Connecticut, comprenez-le bien», a-t-il déclaré à une foude 5000 partisans entassés dans un gymnase sans climatisation.

«Normalement, ça ne devrait pas arriver, parce qu'un républicain, en théorie, ne gagne pas le Connecticut».

Puis, comme il l'a fait à quelques reprises la semaine dernière, le magnat de l'immobilier a évoqué sa défaite possible, démontrant le manque de discipline ou de sang-froid qui l'a poussé à multiplier les propos controversés au cours des dernières semaines. Des propos qui renforcent la principale critique de Clinton à propos de son tempérament erratique.

«Pouvez-vous vous imaginer la peine que je ressentirai si je perds après avoir investi tout cet argent, toute cette énergie, tout ce temps? Je ne le pardonnerai jamais aux gens du Connecticut, a dit Trump. Je ne le pardonnerai jamais aux gens de la Floride, de la Pennsylvanie et de l'Ohio, mais je les aime de toute façon. Nous verrons. Je pense que nous ferons très bien.»

Les stratèges sont unanimes: dans une campagne présidentielle, il n'y a rien de plus précieux que l'emploi du temps d'un candidat. Trump a donné un autre exemple frappant de son refus d'adhérer à ce principe fondamental : au cours d'une période de quatre mois, il a accordé plus de 20 heures d'entrevue à deux journalistes du Washington Post qui lui ont consacré une biographie à paraître le 23 août sous le titre Trump Revealed: An American Journey of Ambition, Ego, and Power.

«Trump a été gracieux et généreux de son temps, répondant à presque toutes nos questions et prolongeant souvent la durée de nos interviews, doublant et triplant parfois le temps alloué», ont écrit les auteurs de livre, Marc Fisher et Michael Kranish.

Trump espère sans doute que sa collaboration lui vaudra une biographie positive. Son ego sera peut-être flatté du résultat final. Mais sa campagne présidentielle aura passé au second plan.