Le dalaï-lama prône le dialogue avec le groupe armé État islamique afin de parvenir à mettre un terme à l'effusion de sang en Syrie et en Irak, tout en soulignant que la religion ne peut jamais servir de justification au meurtre.

Le leader spirituel tibétain, s'exprimant à Paris mardi, a soutenu que le dialogue est « la seule voie », mais n'a pas précisé les conditions dans lesquelles il devait se faire ou encore avec qui. Le lauréat du prix Nobel de la paix en 1989 a insisté sur le fait qu'il ne fallait jamais faire d'amalgame entre l'islam et le terrorisme. 

« Un vrai pratiquant de l'islam doit respecter les autres vies », a-t-il dit, ajoutant que quelqu'un qui tue au nom de l'islam ou du bouddhisme « n'était plus un musulman ou un bouddhiste ».

Il a exhorté les pays européens à accueillir les réfugiés, comme ceux qui fuient la guerre en Syrie, tout en appelant les gouvernements européens à travailler à mettre un terme au conflit pour que les réfugiés puissent regagner leur pays. 

Lhamo Dhondup, de son nom de naissance, a lui-même fui le Tibet et vécu pendant des décennies en Inde, comme réfugié, lui qui est vu par Pékin comme un séparatiste. 

En France pour une semaine, le dalaï-lama participera durant son séjour à plusieurs conférences sur des sujets allant de l'environnement, de la spiritualité, à l'éthique laïque ou encore à la préservation de la langue et de la culture tibétaines. 

Bien qu'il ne soit plus impliqué en politique, le dalaï-lama a affirmé qu'il serait très content de rencontrer le président français François Hollande. L'Élysée a affirmé qu'aucune rencontre n'était prévue.

La Chine voit d'un très mauvais les leaders qui accordent une audience au dalaï-lama et impose fréquemment des sanctions diplomatiques ou économiques aux pays des dirigeants qui reçoivent le célèbre moine tibétain.

- D'après l'Associated Press

Ce siècle «doit être celui du dialogue»

Par AFP Benoît FAUCHET

PARIS - Le chef spirituel des Tibétains en visite en France, le dalaï-lama, espère que le 21e siècle devienne « le siècle du dialogue » et plaide pour que l'Europe aide les réfugiés en matière d'éducation, dans un entretien mardi à l'AFP.

Question : Comment percevez-vous la politique européenne sur les migrants, qui fait l'objet de vifs débats ?

Réponse : C'est un débat assez compliqué. Nous, Tibétains, avons trouvé refuge en Inde et dans d'autres pays. Moi-même, j'ai connu une telle situation. Nous avons vécu ces souffrances, et le désir aussi qu'ont ces êtres humains de vouloir un jour retourner dans leurs pays. Ce sont des situations terribles. Il y a trop de morts, parmi lesquels des enfants innocents.

Vous, Européens, devez donner à ces réfugiés les moyens de leur éducation. Après, ils pourront retourner dans leurs pays et les reconstruire. C'est l'enjeu fondamental : comment ces hommes et ces femmes pourront-ils apporter la paix dans leurs propres pays ?

Quand l'intelligence se combine avec la compassion elle devient sagesse et produit la paix. Le 21e siècle doit être le siècle non de la force, mais du dialogue. Et le seul moyen d'y parvenir est de promouvoir l'éducation. (...) Tout le monde a un rôle à jouer dans cette affaire. Nous devons tous nous servir de notre intelligence, et en particulier vous, médias, pour élever les esprits.

Q : La « voie moyenne » visant l'autonomie plus que l'indépendance du Tibet vous semble-t-elle toujours le meilleur moyen de négocier avec la Chine et de préserver les intérêts tibétains ?

R : Oh oui ! J'ai beaucoup d'amis chinois, professeurs, étudiants. Quand nous nous rencontrons, il nous est très facile de devenir amis. Quand on reste dans une voie du milieu en diplomatie, comme dans d'autres domaines, tout le monde est gagnant. Si l'on va vers l'autre avec l'idée de gagner ou de perdre, la rencontre est plus difficile. Les positions extrêmes sont vouées à l'échec.

Question : Avez-vous une recette pour apaiser les Français dans un pays sous tension?

Réponse : Il n'y a pas que la France qui soit un pays sous tensions... Partout dans le monde, les pressions se multiplient. La peur et l'inconfort sont assez généralisés, malheureusement. C'est pourquoi nous devons travailler à élever l'être humain, notamment par l'harmonie des religions. Tout événement tragique peut être réduit si l'on s'attaque durablement aux causes profondes qui le produisent.

En Occident, vous bénéficiez de plus de confort physique, mais pas forcément mental. L'intelligence combinée à la compassion doivent servir les valeurs humaines. Mais une compassion uniquement fondée sur la foi a ses limites. Elle doit prendre appui sur des valeurs fondamentales qui concernent tout le monde.

Q : Regrettez-vous de ne pas serrer la main du président François Hollande pendant votre séjour en France ?

R : Les personnes sont plus importantes à mes yeux que les dirigeants. Je rencontre une foule de personnes. Si serrer la main d'un président me permettait d'accéder au Ciel, j'aurais été ravi de le faire. Mais ce n'est pas le cas, je pense (rires).

Le dalaï-lama ménage le président chinois

 Le dalaï-lama a semblé ménager mardi à Paris le président chinois Xi Jinping, qui selon lui « veut des réformes », mais fait face à « beaucoup de résistances dans l'establishment ».

Tenzin Gyatso, 81 ans, qui a renoncé en 2011 à toute responsabilité politique sur les Tibétains en exil, répugne depuis à évoquer les relations du Tibet avec Pékin. Il préfère, comme il l'a fait mardi, parler de « la préservation de la culture, de la langue tibétaines et de l'écologie ».

« La censure est immorale », a-t-il toutefois lancé lors d'une conférence de presse, en réponse à une question sur la restriction des libertés en Chine, notamment celle des médias.

« La Chine doit aller vers la liberté d'informer et une réforme de son système judiciaire, afin qu'il soit adapté aux standards internationaux d'indépendance », a ajouté le dignitaire bouddhiste, qui a fui le Tibet envahi par l'armée chinoise pour s'exiler à Dharamsala, en Inde, en 1959.

« Le président Xi Jinping souhaite des changements, des réformes, mais dans l'establishment il y a de très nombreuses résistances », a-t-il relevé. « Fondamentalement, je suis optimiste », a-t-il poursuivi: « Je préfère la Chine d'aujourd'hui à celle d'il y a 30 ou 40 ans ».

Le 14e dalaï-lama a ouvert mardi six jours de rencontres publiques à Paris puis Strasbourg, pour sa première visite en France depuis cinq ans, sans être reçu par les autorités, manifestement soucieuses de ne pas froisser Pékin.