Le secrétaire d'État américain John Kerry a affirmé lundi à Dacca que le groupe Etat islamique (EI) était lié à la dernière série d'attentats djihadistes au Bangladesh, contredisant ce que soutiennent les autorités de ce pays musulman d'Asie du sud.

John Kerry a bouclé lundi soir sa première visite de chef de la diplomatie américaine dans ce pays pauvre de 170 millions d'âmes, meurtri depuis 2013 par une série d'attaques, dont la dernière le 1er juillet dans un café huppé de Dacca qui a fait 22 morts, dont 18 étrangers.

Lors d'entretiens avec la première ministre Sheikh Hasina, «nous avons abordé très franchement cette question et nous avons clairement dit (...) qu'il existait des preuves selon lesquelles l'EI en Irak et en Syrie a des contacts avec environ huit organisations différentes de par le monde, dont une en Asie du Sud», a déclaré John Kerry devant la presse.

Les djihadistes de l'EI «ont un lien à un certain degré avec certains agents opérateurs ici (...) C'est incontestable», a insisté le secrétaire d'État.

De fait, l'EI avait revendiqué la terrible prise d'otage dans un café de la capitale, dont la majorité des personnes assassinées étaient italiennes et japonaises. Le groupe islamiste avait publié des photos du carnage, avant l'assaut de la police.

Mais Dacca, au contraire, ne cesse de nier la présence de toute organisation islamiste internationale sur son sol et rejette la responsabilité d'attentats sur le groupe local Jamayetul Mujahideen Bangladesh (JMB).

Pour autant, «je ne crois pas que le gouvernement bangladais fasse l'autruche», a répondu John Kerry à des journalistes, défendant Mme Hasina accusée d'être dans le déni pour mieux diaboliser sa propre opposition politique.

Outre Mme Hasina, John Kerry a reçu à l'ambassade des États-Unis sa rivale historique, Khaleda Zia, qui fut aussi deux fois chef du gouvernement et qui est accusée d'avoir organisé des incendies volontaires lors de manifestations antigouvernementales.

Défense de la démocratie

Auprès des deux dirigeantes, il a souligné «l'importance de respecter les droits de l'homme et les valeurs démocratiques», a commenté le porte-parole du département d'État Mark Toner.

Et comme il le fait dans chacun de ses discours sur la lutte internationale contre le terrorisme, il l'a étroitement liée à la défense du système démocratique: aux yeux de John Kerry, «pour vaincre les terroristes nous devons renforcer et non trahir les principes démocratiques que nous chérissons et qu'ils abhorrent».

Pour y parvenir, Washington et Dacca ont l'intention de «coopérer très très étroitement», selon M. Kerry, qui a annoncé un renforcement de la collaboration en matière de partage de renseignements, de police et de justice.

Le Bangladesh est secoué ces dernières années par des attaques meurtrières perpétrées par des extrémistes. Environ 80 personnes -membres de minorités religieuses, étrangers, intellectuels et défenseurs de la laïcité- ont été tuées à coups de machettes depuis 2013.

Et quelques heures avant l'arrivée de M. Kerry lundi matin, les forces de sécurité avaient abattu deux membres présumés du JMB dans une fusillade à Sherpur, dans le nord du pays, selon la police.

Deux jours auparavant, samedi, la police avait aussi annoncé avoir abattu près de Dacca trois djihadistes, dont le cerveau présumé de la prise d'otages sanglante du café-restaurant Holey Artisan Bakery, le 1er juillet.

Tamim Chowdhury, qui possédait la double nationalité canadienne et bangladaise, était recherché depuis deux mois et les autorités bangladaises avaient offert une récompense de 25.000 dollars pour toute information permettant de le retrouver.

D'après la police, Tamim Chowdhury était le chef du JMB, une organisation interdite et accusée du meurtre de dizaines d'étrangers ou de membres de minorités religieuses.

Depuis la prise d'otages au Holey Artisan Bakery, au moins 26 personnes ont été tuées par les forces de sécurité dans des raids et des perquisitions.

John Kerry est arrivé tard lundi soir à New Delhi, paralysée par des embouteillages monstres dus aux pluies de la mousson, et doit co-présider mardi et mercredi le «dialogue stratégique et commercial» entre les États-Unis et l'Inde.

Les deux mastodontes ont l'ambition de quintupler le volume de leurs échanges économiques pour les porter à 500 milliards de dollars par an.