Des combattants kurdes engagés contre le groupe État islamique ont assuré avoir été la cible d'armes chimiques, allégations relayées jeudi par l'armée allemande qui renforcent les soupçons d'un recours par les djihadistes à ces munitions bannies.

Les États-Unis jugent de leur côté «plausible» que le groupe État islamique (EI) ait utilisé cette semaine le gaz moutarde contre des combattants kurdes irakiens, a indiqué jeudi un responsable américain à l'AFP.

Mais ce responsable américain, qui confirmait une information du Wall Street Journal, n'a pas donné plus de détails sur les circonstances et la date de l'attaque.

Selon le quotidien américain, les djihadistes se sont procuré le gaz moutarde en Syrie, lorsque le régime de Bachar al-Assad s'est débarrassé, sous la pression de la communauté internationale, de ses stocks d'armes chimiques, ou bien en Irak.

Le ministère allemand de la Défense a déclaré jeudi «avoir des indications selon lesquelles il y a eu une attaque à l'arme chimique» contre des peshmergas, les combattants kurdes irakiens.

Plusieurs d'entre eux ont été «blessés avec des irritations des voies respiratoires», a indiqué à l'AFP un porte-parole du ministère allemand de la Défense à Berlin.

Un haut responsable peshmerga en Irak a évoqué de son côté une attaque au chlore.

«Mardi dernier dans l'après-midi, les forces des peshmergas dans la zone de Makhmur à 50 km à l'ouest d'Erbil ont été attaquées par des roquettes Katioucha remplies de chlore, blessant une douzaine de combattants», a indiqué à l'AFP un haut responsable peshmerga en Irak sous couvert de l'anonymat.

Le chlore, qui fut utilisé pendant la Première Guerre mondiale, est un gaz suffocant, interdit dans les conflits armés par la Convention sur les armes chimiques de 1997.

Le gaz moutarde est un gaz asphyxiant utilisé pour la première fois par les Allemands à Ypres en Belgique en 1917.

Selon le ministère allemand, «des spécialistes américains et irakiens sont en route pour déterminer ce qui s'est réellement passé».

L'armée allemande n'était pas sur les lieux de l'incident et le ministère ne dispose dès lors pas d'informations en propre.

Les soldats de la Bundeswehr déployés dans le nord de l'Irak pour former les combattants kurdes ne sont en effet pas sur le front, toute mission dans une zone de combat supposant l'approbation du Parlement allemand. «Les soldats allemands n'ont pas été touchés ni menacés (...) la protection de nos soldats dans le nord de l'Irak reste quoi qu'il en soit au plus haut niveau», a insisté le porte-parole.

Soupçons sur l'EI 

Si l'armée allemande s'est gardée d'accuser les djihadistes d'avoir été à l'origine de l'attaque, les accusations de recours aux armes chimiques par l'EI se sont multipliées ces derniers mois en Irak comme en Syrie même si, jusqu'à présent, elles semblent sporadiques et aucun décès n'a été signalé.

Ainsi, les Unités de protection du peuple kurde (YPG, principale force kurde syrienne), l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) et des experts ont signalé en juillet des attaques à l'arme chimique dans la province d'Hassaké, dans le nord-est de la Syrie, contre des combattants kurdes.

Ces combattants ont aussi dit avoir saisi des masques à gaz appartenant à EI, estimant dès lors que les djihadistes préparent d'autres attaques chimiques.

À l'époque, les forces kurdes avaient fait état de «brûlures à la gorge, aux yeux et au nez, accompagnées de maux de tête, de douleurs musculaires, d'une perte de concentration, de problèmes de mobilité et de vomissements».

Précédemment, en mars, le gouvernement de la région autonome du Kurdistan irakien avait affirmé avoir les preuves d'une utilisation de gaz chloré par l'EI contre ses forces.

Mais le groupe État islamique n'est pas seul à être soupçonné de recourir de temps à autre à ce type de produits. L'ONG Human Rights Watch a accusé en mars dernier le régime syrien de Bachar al-Assad d'avoir largué des barils remplis de gaz de chlore sur des civils dans des secteurs rebelles, une accusation rejetée par Damas.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé à l'unanimité le 7 août de former un groupe d'experts pour identifier «les individus, entités, groupes et gouvernements» responsables de récentes attaques.