L'annonce américaine d'une offensive de l'armée irakienne au printemps pour reprendre Mossoul, la deuxième ville d'Irak, aux djihadistes du groupe armé État islamique (EI) agace à Bagdad et laisse sceptiques les experts.

L'EI contrôle Mossoul depuis l'offensive fulgurante qu'il a lancée en juin 2014 au nord de Bagdad, et c'est de cette cité que son chef Abou Bakr al-Baghdadi a proclamé un «califat» sur les territoires conquis en Irak et en Syrie voisine.

La reprise de Mossoul n'a jusqu'à présent pas été une priorité pour la coalition internationale dirigée par les États-Unis qui lance des raids contre les positions djihadistes depuis l'été dernier. Ces frappes ont cependant permis aux forces fédérales et kurdes de s'en rapprocher.

Un responsable du Centcom, le commandement militaire américain au Moyen-Orient, a surpris en déclarant la semaine dernière souhaiter que les forces irakiennes lancent leur offensive sur Mossoul «en avril-mai», sauf si leur degré de préparation n'était pas suffisant.

Dimanche, le ministre irakien de la Défense Khaled Obeidi a semblé agacé à l'idée que le Pentagone ait fixé un calendrier pour la bataille de Mossoul.

«Un responsable militaire ne devrait pas révéler le moment d'une attaque», a-t-il dit à la presse. «Le timing revient aux commandants militaires (irakiens). D'où ce responsable américain tient-il cette information? Je ne sais pas».

Les propos du ministre ont été coupés sur la vidéo de la conférence de presse qui a été plus tard mise en ligne sur le site du ministère de la Défense.

Pour Hakim al-Zamili, un député et haut responsable de la milice chiite Sarayat al-Salam, il est bien plus urgent de libérer la province d'Al-Anbar, voisine de Bagdad, en grande partie aux mains de l'EI.

«Nous avons besoin de plus de temps (pour Mossoul). Peut-être d'ici la fin de la l'année», a-t-il indiqué à l'AFP. «L'armée a besoin de plus d'entraînement, d'équipements et d'armes pour y arriver».

«Nous voulons libérer Mossoul (...), mais il y a d'importants secteurs qui devraient être sécurisés avant et nous ne devrions pas nous dégarnir» en mettant toutes nos forces à Mossoul, selon M. Zamili.

«Défi énorme»

Cette ville à majorité sunnite située à 350 km au nord de la capitale était habitée par près de deux millions de personnes avant juin 2014.

Il y a dix ans, les États-Unis avaient dû mobiliser 10 000 soldats hyper entraînés pour reprendre aux insurgés la ville de Falloujah, à l'ouest de Bagdad, dont la population est dix fois inférieure à celle de Mossoul.

Le défi de reprendre Mossoul «est énorme» et représentera «la plus grande opération que l'armée irakienne aura à mener depuis 2003», année de la chute de Saddam Hussein, souligne Nate Rabkin, le directeur de la rédaction de la lettre d'information Inside Iraqi Politics.

Selon le responsable du Centcom, l'offensive sur Mossoul, tenue par «1000 à 2000» combattants de l'EI, doit être menée par quelque «20 000 à 25 000» hommes.

Les forces irakiennes constitueront la plus grosse partie des troupes, mais trois brigades kurdes participeront aussi à l'offensive, selon la même source.

«Cela sera extrêmement difficile de réunir de tels effectifs des forces de l'armée et du ministère de l'Intérieur à Mossoul d'ici l'été 2015», estime Michael Knights du Washington Institute.

Les États-Unis ont officiellement des centaines de soldats en Irak, avec la tâche de conseiller et entraîner l'armée irakienne, mais rien ne permet de dire que ce processus va s'achever rapidement.

En dehors du fait que l'armée irakienne devra trouver les effectifs nécessaires, elle aura aussi besoin de faire d'énormes progrès sur le plan logistique pour coordonner et fournir différentes forces pour cette opération d'envergure.

Les relations entre la région autonome du Kurdistan, proche de Mossoul, et les autorités fédérales, en litige pour des affaires de revenus pétroliers, devront par ailleurs s'améliorer.

Pour M. Knights, l'annonce américaine pour une attaque en avril-mai pourrait en fait constituer davantage un message politique des États-Unis qui tenteraient de dissuader les Irakiens de se lancer dans une attaque à la hâte de Mossoul.

«Peut-être que l'Irak veut y aller la semaine prochaine, et c'est notre façon de les en freiner», indique-t-il.