Le bras de fer se durcit entre Laurent Gbagbo et la communauté internationale après le renvoi des ambassadeurs du Canada et de Grande-Bretagne par son régime, une décision rejetée par ces deux pays, qui reconnaissent Alassane Ouattara comme seul président de Côte d'Ivoire.

Après l'annonce jeudi soir du renvoi des deux diplomates, Ottawa et Londres ont refusé ces expulsions, décidées par le gouvernement Gbagbo comme mesure de «réciprocité».

Grande-Bretagne et Canada avaient retiré fin décembre les accréditations des ambassadeurs ivoiriens nommés par la président sortant et indiqué qu'ils reconnaîtraient les représentants désignés par son rival.

La mesure de renvoi semblait sans effet immédiat. À la chancellerie canadienne, on a indiqué vendredi que l'ambassadeur, Mme Marie-Isabelle Massip, resterait en Côte d'Ivoire et que les affaires suivaient leur cours.

L'ambassadeur britannique Nicholas James Westcott, qui réside à Accra, se trouvait au Ghana vendredi, selon une source diplomatique.

Laurent Gbagbo a réclamé aussi ces dernières semaines le départ de la mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (ONUCI, 9500 soldats), qu'il accuse d'être alliée militairement à M. Ouattara. Mais les Nations unies, qui ne le reconnaissent pas non plus, ont rejeté cette requête et souhaitent même déployer 1000 à 2000 Casques bleus supplémentaires.

Un diplomate européen interrogé par l'AFP a estimé que la Chine, «intéressée» par l'Afrique, pourrait répondre favorablement à cette demande de renforts.

La communauté internationale reconnaît M. Ouattara comme le vainqueur de la présidentielle du 28 novembre dont les résultats contestés ont plongé le pays dans une grave crise, marquée par des violences ayant fait 210 morts depuis mi-décembre selon l'ONU.

M. Gbagbo, qui reste au palais présidentiel et contrôle armée et administration, est de plus en plus isolé sur la scène internationale. Il s'estime victime d'un «complot» de la France et des États-Unis, mené par leurs ambassadeurs à Abidjan, qui paraissaient eux aussi en ligne de mire.

L'ex-puissance coloniale française a récemment annoncé avoir engagé la procédure d'agrément suite à la nomination par M. Ouattara d'un nouveau représentant à Paris. Les États-Unis, qui ont imposé des gels d'avoirs à M. Gbagbo, son épouse Simone et trois proches, se sont dits prêts à reconnaître un ambassadeur choisi par son adversaire.

Après une nouvelle médiation africaine infructueuse mardi, le président sortant reste sous la menace d'une opération militaire de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO).

«La force légitime n'est pas exclue, mais nous allons tout faire pour convaincre le président Gbagbo de se démettre», a toutefois déclaré le ministre des Affaires étrangères nigérian Odein Ajumogobia, après un entretien jeudi à Lagos avec son homologue sud-africain Maite Nkoana-Mashabane.

Pour lui, la question d'un possible usage de la force est «globale et pas seulement de la responsabilité du Nigeria, de la CÉDÉAO et de l'Afrique, car des vies sont en jeu».

Alassane Ouattara, qui dit préférer aussi une solution pacifique, estime cependant qu'une «opération spéciale non violente» pourrait déloger Laurent Gbagbo si nécessaire.

Pour convaincre son rival de céder la place, il lui a proposé une «amnistie», dans un entretien au quotidien français Le Figaro vendredi.

«Mais il faut qu'il accepte rapidement, parce que c'est quelqu'un qui a du sang sur les mains», a-t-il accusé depuis son quartier général du Golf hôtel d'Abidjan, soumis à un blocus des forces fidèles au régime. Le gouvernement Gbagbo a écarté toute offre d'amnistie.

Accusés de malversations massives et incarcérés depuis mi-2008, les ex-dirigeants de la filière cacao du pays - premier producteur mondial - ont obtenu vendredi la liberté provisoire. Ces anciens «barons», parmi lesquels des proches de M. Gbagbo, avaient été jetés en prison à la suite d'une enquête demandée par le président sortant.