Le candidat socialiste François Hollande a remporté hier soir l'élection présidentielle française à l'issue d'un scrutin chaudement disputé qui aura, promet-il, d'importantes répercussions à l'échelle européenne.

L'homme de 57 ans, qui devient le premier politicien de gauche en près de 20 ans à accéder à cette fonction, a obtenu 51,7% des voix contre 48,3% pour le président sortant, Nicolas Sarkozy.

L'annonce de sa victoire, à 20h, a fait exploser de joie les militants socialistes qui s'étaient réunis par milliers devant le siège du parti, rue de Solférino, à Paris, pour suivre la soirée électorale sur un écran géant.

Plusieurs personnes portaient symboliquement des roses dans la foule qui scandait à tue-tête «François président!» et «Sarkozy, c'est fini!»

Les partisans se sont ensuite mis en marche vers la place de la Bastille pour participer à un immense rassemblement qui devait durer jusqu'à tard dans la nuit.

Christiane Doub, qui était venue de la Moselle, dans l'est de la France, pour suivre le second tour de l'élection, a dit espérer que la victoire de la gauche entraînera un changement de mentalité dans le pays. «J'ai envie que les gens se respectent à nouveau», a déclaré cette enseignante de 54 ans en insistant sur le fait que le nouveau président n'aurait pas le droit à l'erreur.

«Il faut qu'il y ait des résultats. Sinon, dans cinq ans, ce sera le Front national», a-t-elle affirmé en évoquant le parti d'extrême droite dirigé par Marine Le Pen.

«J'ai envie d'un autre souffle, d'une France unie, d'une France qui redonne de l'espoir aux jeunes [...]. Ce sont de grandes phrases, mais j'ai envie d'y croire», a commenté Clarisse Freyssinet, une étudiante de 23 ans.

Le nouveau président, qui attendait l'annonce des résultats dans son fief de Tulle, au centre du pays, a prononcé son discours de victoire vers 21h30 avant de se rendre à Paris en avion pour rejoindre la fête tenue par ses partisans.

Il s'est dit persuadé que le pays, en position difficile sur le plan économique, serait capable de surmonter les épreuves à venir. «Nous l'avons toujours fait dans notre histoire. [...] Nous y réussirons encore dans les cinq années qui viennent», a souligné le politicien.

François Hollande a affirmé du même coup que «l'austérité ne peut plus être une fatalité» pour le continent, rappelant sa promesse de renégocier le traité budgétaire européen pour inclure des mesures de croissance.

Lors d'une brève allocution prononcée à la salle de la Mutualité, à Paris, Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il s'apprêtait à «redevenir un Français comme les autres».

«Je porte toute la responsabilité de cette défaite. Je me suis battu sur la valeur de responsabilité et je ne suis pas un homme qui n'assume pas ses responsabilités», a souligné le chef d'État sortant, sans préciser clairement s'il entendait quitter définitivement la vie politique. Selon LeMonde, il aurait précisé à ses proches qu'il ne participerait pas à la campagne pour les élections législatives prévues en juin.

La victoire socialiste a été reçue sans surprise par ses partisans, mais les visages n'en étaient pas moins défaits. «Je le vis très mal. Je dirais comme le général de Gaulle: "Les Français sont des veaux". Ils ont bradé la France pour une question de personnalité», a déploré Edith Melloul, une militante de droite de 52 ans qui prédit le pire pour le pays.

«La faillite, l'Espagne, la Grèce. Les Français ne se rendent pas compte», a-t-elle souligné.

«On va perdre beaucoup», s'est inquiétée Nathalie Lelann, une organisatrice d'événements dans la quarantaine qui s'est dite «désespérée» par le résultat du scrutin. Selon elle, Nicolas Sarkozy a adroitement piloté la France à travers le tumulte de la crise économique. «Il a fait des erreurs, mais maintenant, avec François Hollande, on retourne 20 ans en arrière.»

Plusieurs militants ont blâmé pour la défaite Marine LePen, qui avait appelé ses partisans à voter blanc au second tour, ou encore le centriste François Bayrou, qui a annoncé son appui au candidat socialiste.

Les médias, qu'ils jugent biaisés en faveur du politicien de gauche, étaient aussi montrés du doigt. «Des pourris, des charognards», a hurlé un militant octogénaire présent à la Mutualité en voyant s'approcher une journaliste de La Presse.

«Le président de tous»

Prenant la mesure des divisions politiques qui minent le pays, François Hollande a tendu la main à ses adversaires lors de son discours de Tulle et a lancé un nouvel appel à l'unité lors d'une brève intervention à la Bastille.

«Que les électeurs qui n'ont pas voté pour moi, et ils sont nombreux, le sachent bien: je serai le président de tous», a assuré le nouveau chef d'État avant de demander à ses partisans de lui «donner une majorité» lors des élections législatives à venir.