L'accession de Joseph Ratzinger à la papauté avait suscité en 2005 un élan de fierté chez les Allemands, mais la réaction de l'Église aux scandales de pédophilie et une série de controverses ont écorné son image dans son pays natal.

«Wir sind Papst!» («Nous sommes pape!») titrait, euphorique, le Bild, quotidien le plus lu d'Allemagne, le 19 avril 2005, au lendemain de l'élection du cardinal Ratzinger comme successeur de Jean Paul II. Benoît XVI devenait le premier pape allemand depuis plus de 500 ans.

«C'est la sensation du siècle», s'exclamait le journal alors que l'Église allemande soulignait l'importance de voir un enfant du pays prendre la tête d'une communauté de 1,2 milliard de catholiques dans le monde, 60 ans après la capitulation de l'Allemagne nazie.

La première visite officielle du pape dans son pays d'origine, à partir de jeudi, ne semble pourtant pas susciter la passion. Selon un récent sondage, 86% des Allemands et même 63% des catholiques du pays, jugent «peu ou pas du tout importante pour eux» la visite du souverain pontife.

Il se pourrait bien que l'Allemagne soit l'un de ses plus gros défis, analyse Samuel Gregg, directeur de recherche à l'Institut américain Acton, un groupe de réflexions sur la religion et l'économie. Même le service en allemand de Radio Vatican a conclu avant sa visite que «dans une certaine mesure le pape et les Allemands sont des étrangers».

Bien sûr, Benoît XVI, né dans le village bavarois de Marktl-am-Inn, il y a 84 ans, devrait attirer une foule enthousiaste dans son pays.

Mais il sera également accueilli par une manifestation à Berlin, qui pourrait rassembler 20 000 personnes contre son discours au Bundestag (chambre basse du Parlement). Des dizaines de députés de gauche ont menacé de boycotter l'événement.

La visite du pape intervient en plein déclin du nombre des fidèles de l'Église catholique allemande -- un phénomène qui touche aussi l'Église réformée. L'an dernier, plus de 181 000 personnes ont fait les démarches nécessaires pour ne plus payer l'impôt religieux à l'Église catholique.

Pour les experts, ces départs en masse s'expliquent en partie par les révélations de violences sexuelles commises par des prêtres sur des enfants largement médiatisées en 2010.

Le président de la conférence épiscopale allemande, Robert Zollitsch, a reconnu que l'Église, accusée d'avoir étouffé ces crimes, avait «échoué» dans sa réponse aux centaines de victimes d'abus sexuels présumés.

«Je ne prétends pas que Benoît XVI soit considéré comme étant particulièrement responsable de ce qui s'est passé en Allemagne ou ailleurs dans les années 70 et 80», explique M. Gregg. Mais «si l'on considère que le crédit moral de l'Église a été atteint par ce scandale, il est inévitable que celui du pape soit affecté».

Le pape avait également touché la fibre la plus sensible du pays il y a trois ans en levant l'excommunication de l'évêque traditionaliste britannique Richard Williamson condamné plus tard pour négationnisme après avoir nié l'existence des chambres à gaz.

Dans une série d'entretiens publiés sous forme de livre l'an dernier, le chef de l'Église catholique a assuré qu'il n'aurait pas pris cette décision s'il avait connu les opinions de l'évêque sur l'extermination des Juifs par les nazis.

Lors d'une visite privée en 2006 à Ratisbonne (Bavière), il avait également suscité une immense controverse en liant apparemment l'islam à la violence. Ce discours avait suscité la colère du monde musulman.