Tripoli dispose d'assez de preuves pour juger Sayf al-Islam Al Kadhafi en Libye pour crimes contre l'humanité, a assuré mardi devant la Cour pénale internationale (CPI) la Libye, qui dispute à la Cour le droit de juger le fils de Mouammar Al Kadhafi.

«L'enquête en Libye (contre Seif al-Islam, ndlr) a déjà produit des résultats considérables», a déclaré Philip Sands, avocat de la Libye, lors d'une audience devant la CPI destinée à décider qui de la Cour ou de la Libye jugera le seul fils de Mouammar Al Kadhafi à être détenu.

«Il y a une grande quantité de preuves qui constitueront un acte d'accusation identique à celui présenté par le procureur de la CPI», a ajouté l'avocat, affirmant que les autorités libyennes peuvent prouver que Sayf al-Islam a ordonné de tirer à balles réelles sur des manifestants lors de la révolte populaire ayant mené à la chute du régime Kadhafi en 2011.

Le fils du défunt leader aurait également organisé le recrutement de mercenaires pakistanais dans le but de contrer les rebelles et aurait, lors d'une allocution à la télévision, appelé les forces de sécurité libyennes à faire usage de la violence, selon la même source.

La CPI et la Libye se disputent le droit de juger Sayf al-Islam, 40 ans, et l'ancien chef du renseignement libyen Abdallah al-Senoussi, 63 ans, soupçonnés par la Cour de crimes contre l'humanité. Les parties devaient exprimer leurs vues sur le sujet lors de deux journées d'audience, mardi et mercredi.

Le bureau du procureur s'est d'ailleurs montré positif quant aux efforts des autorités libyennes, appelant à laisser plus de temps à Tripoli pour lancer les poursuites contre Sayf al-Islam Al Kadhafi.

«Il s'agit visiblement d'un État qui a l'intention de poursuivre ses criminels nationaux, nous en sommes convaincus», a déclaré Sara Criscitelli, représentante du bureau du procureur, estimant que «l'affaire présentée semble être sur la bonne voie».

Les autorités libyennes avaient annoncé en août que Sayf al-Islam Al Kadhafi serait jugé à partir de septembre à Zenten (170 km au sud-ouest de Tripoli), où il est détenu depuis son arrestation en novembre 2011, mais le procès avait été reporté sine die le 10 septembre par le bureau du procureur général libyen.

Plus tôt, lors de l'audience, le représentant de la Libye Ahmad Al Jehani avait assuré aux juges que «le gouvernement libyen s'engage à procéder à un procès juste et équitable pour les responsables de l'ancien régime».

«Nous allons créer un système judiciaire juste et cela montrera notre engagement envers l'autorité de la loi», a soutenu M. Al Jehani au nom de son pays, où la formation d'un gouvernement semble chaotique après le renversement du régime Kadhafi.

«C'est un processus compliqué et la Libye a besoin de plus de temps» pour entamer les procès de Sayf al-Islam et Abdallah al-Senoussi : «Une justice rapide ne permet pas un processus en bonne et due forme».

L'avocat de Sayf al-Islam désigné par la CPI, et son co-conseil, l'Australienne Melinda Taylor, qui avait été arrêtée en Libye le 7 juin alors que la délégation de la CPI rendait visite à Sayf al-Islam  et détenue pendant près d'un mois, devront présenter leurs arguments plus tard dans la journée.

Peu après sa libération, Mme Taylor avait déclaré que le droit de Sayf al-Islam à un procès équitable avait été «irrémédiablement compromis».

Sayf al-Islam Kadhafi et Abdallah al-Senoussi, détenus en Libye après son arrestation en Mauritanie, font l'objet de mandats d'arrêt de la CPI pour des crimes contre l'humanité commis à partir de février 2011 pendant la révolte qui avait provoqué la chute puis la mort, en octobre 2011, de Mouammar Al Kadhafi.

Mais les autorités libyennes disputent à la CPI le droit de le juger et avaient déposé le 1er mai une requête contestant la compétence de la CPI pour poursuivre le seul fils de l'ancien dirigeant à être détenu en Libye.

Le premier ministre libyen élu Moustapha Abou Chagour a été démis d'office de ses fonctions dimanche après le rejet par l'Assemblée nationale d'un nouveau cabinet.