Les forces du nouveau régime libyen, déterminées à prendre rapidement le contrôle de Syrte, principal bastion des derniers fidèles de Mouammar Kadhafi, ont poursuivi lundi leur progression, au lendemain de la conquête de l'université et du centre Ouagadougou.

«Les révolutionnaires sont à moins d'un kilomètre de la place centrale. Nous contrôlons près de 90% de Syrte. Les combats se déroulent sur une surface de quelques kilomètres carrés seulement», a déclaré Makhlouf el-Ferjani, membre du Conseil militaire de Syrte.

Si la progression est nette, le bilan est lourd: les combats de ces derniers jours ont fait près de 70 morts et des centaines de blessés parmi les combattants du Conseil national de transition (CNT), dont au moins 17 morts et plus d'une centaine de blessés lundi, selon le personnel des hôpitaux de campagne établis à l'est et à l'ouest de la ville.

Sur le front est de la ville, les pro-CNT ont progressé lentement lundi en direction du centre, de manière désordonnée, en sécurisant chaque maison, sous le feu des bombardements d'artillerie lourde et de nombreux tireurs embusqués, selon un journaliste de l'AFP.

Des combattants récupéraient les nombreuses armes abandonnées et regroupaient les femmes, les enfants et les vieillards, souvent choqués et hagards, pour les évacuer vers l'arrière.

Les hommes en âge de combattre faisaient l'objet de fouilles et d'interrogatoires, tout particulièrement ceux à la peau noire. Un journaliste de l'AFP a vu près d'une dizaine de prisonniers et quatre cadavres de combattants pro-Kadhafi.

Cette progression, sous un ciel menaçant ponctué d'averses, a été arrêtée vers 10H00 heure de Montréal, en raison d'une forte résistance des pro-Kadhafi, qui tiraient au mortier et au lance-roquettes. Les combats ont perdu de leur intensité, tandis que certains pro-CNT se repliaient vers l'arrière.

«C'est comme égorger un poulet. Militairement, ils sont finis, mais ils bougent encore», a déclaré Tarek Drissa, un combattant pro-CNT.

Toutes les rues étaient ravagées par les combats, jonchées de véhicules calcinés, chaque maison criblée d'impacts de balles ou de bombardements. Et des traces de sang étaient visibles à l'intérieur de tous les bâtiments, souvent transformés en postes de tirs.

Dimanche, les forces du nouveau pouvoir avaient réalisé une percée majeure dans cette ville symbole à 360 km à l'est de Tripoli, en s'emparant de l'université et du Centre Ouagadougou, deux places fortes des pro-Kadhafi dans le sud de la ville. Dans la même zone, ils ont aussi pris le contrôle de l'hôpital Ibn Sina, le plus grand de Syrte.

L'établissement était toujours sous le feu d'intenses bombardements, mais un convoi de la Croix-Rouge est arrivé lundi pour évacuer les 50 à 100 patients encore présents.

«Ce n'est plus un hôpital en état de fonctionner. Il faut évacuer ces patients parce que les salles ont toutes été touchées. Il y avait trois médecins ici la semaine dernière, mais hier il n'y en avait plus qu'un», a expliqué une porte-parole de la Croix-Rouge, Dibeh Fakhr, pendant l'évacuation.

Dans l'autre principal bastion pro-Kadhafi, l'oasis de Bani Walid à 170 kilomètres au sud-est de Tripoli, les pro-CNT ont payé cher dimanche un énorme cafouillage. Faute de coordination, ils ont dû abandonner l'aéroport qu'ils venaient de prendre, tout en enregistrant 17 morts et plus de 80 blessés dans leurs rangs.

Selon un membre de l'une des brigades engagées, «les instructions étaient de prendre l'aéroport et de sécuriser les alentours, afin d'en faire une base militaire». Mais au lieu d'épauler la première brigade, les autres unités sont parties vers le centre-ville, où elles sont tombées dans une embuscade.

Les combattants ont finalement dû battre en retraite à la tombée de la nuit. «C'était un vrai massacre», a rapporté l'un d'eux.

Lundi, le commandant Moussa Younès, chef des opérations du CNT sur ce front a décrété la suspension des combats à Bani Walid «pour donner une dernière chance aux civils de fuir et aux forces loyalistes de se rendre». De son propre aveu, il s'agissait aussi de remettre de l'ordre parmi ses troupes avant une nouvelle offensive.

À Tripoli, 200 à 300 hommes lourdement armés ont attaqué une mosquée dans la nuit de dimanche à lundi et profané les tombes de deux imams, d'après des témoins.

Selon un enseignant de l'école coranique qui jouxte la mosquée, «ils portaient tous la barbe et étaient vêtus de treillis militaires. C'était certainement des islamistes extrémistes qui veulent créer des troubles» afin de s'emparer du pouvoir.

À Bucarest, le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a déclaré que l'opération de l'Alliance atlantique en Libye était «proche de la fin». Il a aussi salué «un succès» et «un exemple de solidarité» malgré la crise économique qui a contraint les gouvernements à tailler dans leurs budgets militaires.