Les rebelles syriens ont accepté dimanche, selon une ONG et la télévision d'État, d'évacuer la dernière poche qu'ils tenaient dans la Ghouta orientale, ancien bastion insurgé aux portes de Damas dont la reconquête totale marquerait une victoire retentissante pour Bachar al-Assad.

Le groupe Jaich al-Islam, qui contrôle cette ultime enclave comprenant la grande ville de Douma, n'a pas réagi dans l'immédiat à cette annonce.

Accablés par un déluge de feu du régime qui a tué plus de 1600 civils en cinq semaines, les groupes présents dans cette région assiégée depuis cinq ans et hautement symbolique pour la rébellion acceptent les uns après les autres d'abandonner leurs positions.

Plus de 45 000 personnes, dont environ un quart de combattants, ont ainsi gagné ces dix derniers jours les territoires rebelles de la province d'Idleb (nord-ouest), évacuant la Ghouta que le pouvoir syrien contrôle désormais à 95 % à la faveur d'une offensive meurtrière, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Et les rebelles de Jaich al-Islam ont à leur tour conclu un accord d'évacuation avec la Russie, alliée du régime syrien, a annoncé dimanche l'Observatoire, qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie.

«Un accord final a été trouvé entre Jaich al-Islam et la Russie. La police militaire russe va entrer dans la ville» de Douma, a indiqué l'OSDH.

Les rebelles et leurs familles, mais aussi d'autres civils le souhaitant, seront évacués vers des territoires dans la province d'Alep, notamment à Jarablos et al-Bab, dominés par des insurgés proturcs, selon l'OSDH. Les autres habitants pourront rester sur place, dans le cadre de la politique de «réconciliation» du gouvernement.

L'information a été confirmée par la télévision d'État.

«Clou dans le cercueil»

«Un accord a été trouvé pour la sortie des terroristes de Douma (...). Il prévoit le départ des terroristes de Jaich al-Islam vers Jarablos et la régularisation des (civils) qui restent», a-t-elle annoncé. Le régime désigne par «terroriste» tous les rebelles.

Samedi, le régime avait promis de poursuivre les combats pour reprendre l'ultime enclave insurgée de la Ghouta. Pour faire pression sur les pourparlers en cours, les forces progouvernementales avaient consolidé leur présence autour de Douma.

«Que c'est soit à la suite d'un accord d'évacuation ou en l'écrasant sous les bombes, ce qui compte pour Assad, c'est d'extirper Jaich al-Islam de Douma, pour toujours», a souligné le chercheur Nicholas Heras, du Center for New American Security. Il rappelle que Douma, une ville qui comptait avant la guerre 100 000 habitants et qui pourrait en héberger le double aujourd'hui à cause des déplacés, est «un symbole de premier plan pour les rebelles syriens».

Dans son message de Pâques, le pape François a réclamé dimanche la fin de «l'extermination en cours» en Syrie, le respect du «droit humanitaire» et la paix pour «la bien-aimée et tourmentée Syrie, dont la population est épuisée par une guerre qui ne voit pas de fin».

La chute de la Ghouta, à la suite de bombardements intenses et de combats au sol qui ont dévasté la zone, marquerait une des pires défaites pour les rebelles dans la guerre qui ravage la Syrie depuis plus de sept ans.

«La victoire dans la Ghouta est un clou dans le cercueil des terroristes», a déjà proclamé samedi à la télévision d'État un officier de l'armée syrienne déployé dans cette région, qui fut une des premières à se mobiliser dans les manifestations réclamant des réformes au régime en 2011.

Garantie internationale

Inquiets devant la tournure des événements, des milliers d'habitants de Douma ont déjà fui ces derniers jours vers des zones sous contrôle du régime, empruntant des corridors ouverts par l'armée syrienne.

«Bien sûr que je veux partir: il n'y a plus de maisons ici !», a déclaré à l'AFP un habitant de Douma, Abou Rateb, âgé de 30 ans, qui se prépare lui à aller en territoire rebelle à Idleb.

D'autres refusent catégoriquement de quitter la ville dévastée, comme Haitham, un militant de la société civile.

«Je préfère ne pas quitter Douma. Abandonner son foyer, c'est abandonner son âme. Mais pour rester ici, nous voulons des garanties des Nations unies ou de l'Europe, sinon les gens engagés, comme moi, seront poursuivis. Je n'ai pas confiance en la Russie», lâche-t-il.

Grâce au soutien militaire russe, le pouvoir de Damas a pu renverser la donne dans la guerre, multipliant les victoires face aux rebelles et aux jihadistes, jusqu'à reconquérir plus de la moitié du pays.

En début d'année, il avait fait de la Ghouta orientale sa priorité. Les rebelles de ce secteur tiraient obus et roquettes meurtriers sur la capitale.

La guerre en Syrie, qui avait débuté par la répression de manifestations pacifiques, a fait plus de 350 000 morts et des millions de réfugiés. Elle s'est transformée en un conflit complexe impliquant des belligérants syriens et étrangers, ainsi que des groupes djihadistes.