Le siège d'Alep s'achève, mais l'analyse de la tragédie syrienne ne fait que commencer et, à l'heure des comptes, Barack Obama portera probablement une partie du fardeau même si sa marge de manoeuvre était étroite.

« Les États-Unis ont eu d'innombrables occasions d'éviter un massacre. Mais à chaque fois, des hommes et des femmes honnêtes ont choisi de détourner le regard. Nous avons tous été les spectateurs d'un génocide. La question cruciale est : pourquoi ?».

Ces mots, écrits il y a une quinzaine d'années par Samantha Power, ancienne journaliste et écrivaine devenue ambassadrice des États-Unis à l'ONU, prennent une résonance particulière aujourd'hui.

Cette semaine, Mme Power était assise au sein du Conseil de sécurité quand les grandes puissances ont évoqué ce drame désormais comparé à ceux du Rwanda et de Srebrenica.

Au moins 400 000 personnes sont mortes - le décompte exact est impossible à faire - dans la guerre en Syrie qui a atteint des proportions effrayantes à Alep ; l'ONU a fait état d'exécutions sommaires de civils dans la partie orientale de cette ville martyre.

La Syrie « me hante »

Samantha Power, comme la Maison-Blanche, rappelle quotidiennement la responsabilité de Damas, Moscou et Téhéran dans cette tragédie.

« Le régime de Bachar al-Assad, la Russie, l'Iran et leurs milices sont les responsables de ce que l'ONU a appelé "un effondrement de l'humanité" », a-t-elle déclaré devant le Conseil de sécurité.

« Êtes-vous véritablement incapables d'avoir honte ? Aucun acte barbare contre des civils, aucune exécution d'enfants ne vous fait frémir ? », a-t-elle ajouté.

Les civils syriens ont été tués par les forces d'Assad, les avions russes et les milices soutenues par Téhéran. Mais pour nombre d'observateurs, Barack Obama a une part de responsabilité.

« La situation en Syrie me hante en permanence », confiait-il en septembre.

« Savoir que des centaines de milliers de personnes sont mortes, des millions ont été déplacées ; tout cela me pousse à m'interroger sur ce que j'aurais pu faire différemment au cours des cinq ou six années écoulées ».

Mais son équipe rejette avec force l'idée selon laquelle Washington aurait été un spectateur passif du drame. « Il est offensant de suggérer que les États-Unis et le monde ne font rien », déclarait cette semaine son porte-parole Josh Earnest.

Une forme d'impuissance

Pour ses détracteurs, Barack Obama a commis une erreur majeure lorsqu'il a refusé de frapper le régime syrien après une attaque à l'arme chimique - ligne rouge qu'il avait lui-même fixée - qui avait fait des centaines de morts.

À ceux qui lui reprochent de ne jamais avoir envoyé de signal fort face à la répression menée par le président Bachar al-Assad, un homme qu'il a traité de « tyran », M. Obama répond que les solutions avancées n'auraient pas fait une véritable différence.

Et face aux critiques, l'exécutif américain répète en boucle sa conviction : il n'y a pas de solution militaire au conflit syrien.

« Honnêtement, je pense que nous avons fait du mieux que nous pouvions étant données les circonstances », déclarait cette semaine le secrétaire d'État John Kerry à l'occasion d'un voyage en Europe.

Son entêtement à chercher une coopération américano-russe pour trouver une porte de sortie à la tragédie syrienne a souvent été moqué. Mais cet infatigable diplomate estime qu'il fallait tenter quelque chose. « Je ne vais pas passer mon temps à regretter des efforts de bonne foi pour faire avancer les choses ».

Reste que les efforts américains ont échoué.

« Les États-Unis ont une responsabilité particulière, car nous sommes le pays le plus influent et le plus puissant au monde. Nous acceptons cette responsabilité », soulignait Josh Earnest.

À quelques semaines de son départ au pouvoir, Barack Obama en est réduit à constater une forme d'impuissance.

Il appartiendra aux générations à venir de juger si - et pourquoi - face à la tragédie syrienne, « des hommes et des femmes honnêtes » ont, à Washington, choisi de détourner le regard.