Sous les ors de la fastueuse salle Gueorguievsky du Kremlin et devant une marée d'uniformes, le président Vladimir Poutine a marqué jeudi solennellement la fin d'une campagne militaire de près de six mois en Syrie en décorant les «héros» de retour de combat.

Devant un parterre de près de 700 soldats et officiers de l'armée russe, M. Poutine a personnellement remis certaines des plus hautes distinctions d'État à une dizaine d'heureux élus allant du sergent au général, dans une cérémonie retransmise en direct à la télévision russe.

«C'est vous, les soldats russes, qui avez ouvert la voie pour la paix» en Syrie, a lancé le président devant les veuves des quatre militaires tués au cours de la campagne de frappes aériennes entamée le 30 septembre en soutien aux forces de Bachar al-Assad.

«Oleg, Ivan, Alexandre, Fiodor. Leur décès est une perte irremplaçable», a déclaré M. Poutine avant de décorer le général Alexandre Dvornikov, les lèvres tremblantes d'émotion, et de se voir remettre une photographie encadrée symbolisant «la reconnaissance du peuple syrien».

«Nous comprenions très bien à chaque sortie que nous ne protégions pas seulement le peuple syrien, mais aussi notre patrie», a pour sa part clamé le colonel Viktor Romanov à la tribune après avoir été décoré par Vladimir Poutine.

Le chef de l'État russe n'a pas fait preuve de triomphalisme, disant donner une chance à la paix, mais prévenant que, si nécessaire, son armée peut se redéployer «en quelques heures» sur le sol syrien, où elle maintient des bases et ses systèmes de défense antiaérienne dernier cri, les S-400.

«Tous nos partenaires sont prévenus et le savent: nos systèmes antiaériens seront utilisés sur n'importe quelle cible qui représente une menace pour nos soldats. Sur n'importe quelle cible», a-t-il martelé, dans une référence à peine voilée à la Turquie, qui a abattu en novembre un bombardier russe.

«Ce n'est pas ce que nous voulons. Une escalade militaire n'est pas dans notre intérêt», a justifié M. Poutine. «C'est pourquoi nous plaçons nos espoirs dans le bon sens de tous les belligérants en faveur du processus de paix», entamé lundi à Genève entre le régime de Damas et l'opposition, a-t-il ajouté.

Pilotes accueillis sous les vivats

Si des groupes rebelles violent la trêve instaurée le 27 février, a averti le président russe, alors ils devront en payer «les conséquences». La Russie a d'ores et déjà indiqué qu'elle entendait poursuivre ses bombardements sur les «objectifs terroristes» en Syrie.

«Aujourd'hui, l'armée syrienne est capable non seulement de contenir les terroristes, mais de mener contre eux des offensives avec succès. Elle a pris l'initiative et continue de défendre sa terre», a assuré M. Poutine.

Vladimir Poutine avait créé la surprise lundi soir en annonçant contre toute attente le retrait de la majeure partie du contingent russe en Syrie, qui y a «globalement accompli» sa mission.

L'opération aura coûté 33 milliards de roubles (environ 481,5 millions de dollars), selon Vladimir Poutine.

Si ce retrait doit se terminer «d'ici deux à trois jours», selon l'armée russe, les premiers pilotes et leurs avions avaient déjà quitté la base de Hmeimim, dans le nord-ouest de la Syrie, pour rentrer dans leur patrie mardi et mercredi.

Après avoir atterri sur un aérodrome militaire à Voronej, dans le sud-ouest de la Russie, les pilotes avaient été accueillis sous les vivats de leurs proches et de leurs supérieurs, dans une marée de drapeaux russes et de ballons devant les caméras de la télévision.

Certains n'ont toutefois pas manqué après cet étalage de patriotisme de faire un parallèle avec l'intervention présumée de l'armée russe aux côtés des séparatistes dans le conflit dans l'est de l'Ukraine, où le Kremlin dément toute ingérence.

Contrairement aux soldats de retour de Syrie, les militaires russes qui ont, selon les observateurs, combattu en Ukraine avaient été décorés par Vladimir Poutine derrière des portes fermées et enterrées leurs pertes dans le plus grand secret.