La Russie a promis samedi de continuer à aider Damas à combattre les groupes «terroristes» en Syrie, alors que l'opposition pose comme condition à une trêve l'arrêt des opérations des alliés du régime.

Le conflit en Syrie, qui va entrer le mois prochain dans sa sixième année, a connu un nouveau rebondissement il y a une semaine lorsque la Turquie a commencé à bombarder dans le nord du territoire syrien les positions des milices kurdes, qualifiées de «terroristes».

Moscou, qui soutient une participation des Kurdes syriens à des négociations de paix, a présenté vendredi devant le Conseil de sécurité de l'ONU un projet de résolution visant à faire cesser les opérations turques en Syrie, mais celui-ci a été rejeté.

«Le Kremlin est préoccupé par la montée des tensions à la frontière syro-turque», a indiqué le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qualifiant d'«inacceptables» les tirs d'artillerie turcs.

Samedi, les Turcs ont encore bombardé des positions kurdes dans le nord de la province septentrionale d'Alep, a déclaré l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). La Turquie considère les milices kurdes syriennes comme des organisations «terroristes» proches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui poursuit depuis 1984 une rébellion meurtrière sur le sol turc.

Les Occidentaux, notamment l'Union européenne et les États-Unis, tout comme Ankara, qui soutiennent la rébellion syrienne, exhortent de leur côté la Russie à cesser ses bombardements en appui au régime, ceux-ci visant selon eux en premier lieu l'«opposition modérée».

À cet égard, le secrétaire d'État américain John Kerry a plaidé samedi au téléphone auprès de son homologue russe Sergueï Lavrov pour qu'un cessez-le-feu en Syrie soit mis en oeuvre le plus tôt possible, condamnant une nouvelle fois les frappes de l'aviation russe.

Le Kremlin a quant à lui prévenu que la Russie, qui a déclenché ses raids aériens fin septembre, allait continuer d'aider Damas à combattre les «terroristes».

Opposition affaiblie

Des frappes russes ont visé samedi des positions rebelles au nord d'Alep, dans le nord-ouest et dans le centre de la Syrie, selon l'OSDH.

Les forces gouvernementales syriennes ont déclenché début février une offensive d'envergure qui leur a permis de resserrer encore un peu plus l'étau autour des rebelles dans cette ville et de reprendre des territoires au nord de celle-ci, provoquant un exode massif de la population.

Samedi, les troupes du régime se sont emparées de 18 villages de part et d'autre d'un axe d'environ 40 km reliant l'est d'Alep à Raqa (nord), le fief du groupe Etat islamique en Syrie, selon l'OSDH.

L'offensive du régime a affaibli la rébellion qui, après avoir conquis des territoires un peu partout en Syrie au début de la guerre, a vu ses capacités de plus en plus réduites ces derniers mois, devant également affronter l'EI.

La coalition chapeautant les principaux groupes de l'opposition a annoncé samedi qu'elle serait prête à une «trêve» proposée par les grandes puissances, à condition d'obtenir la garantie de l'arrêt des opérations militaires des alliés du régime.

Un cessez-le-feu proposé le 11 février à Munich par le Groupe international de soutien à la Syrie (ISSG), qui comprend 17 pays membres et est coprésidé par la Russie et les États-Unis, aurait dû intervenir vendredi, mais les combats se sont poursuivis sans relâche entre les différentes parties.

Conditions

«Les factions rebelles ont exprimé leur accord de principe sur la possibilité de parvenir à un cessez-le-feu provisoire, à condition que cela se fasse (...) avec des garanties obligeant la Russie, l'Iran et les milices confessionnelles et les mercenaires qui leur sont rattachés à cesser le combat», a affirmé dans un communiqué le chef du Haut comité de négociations (HCN) Riad Hijab.

«Il n'y aura de trêve que si tous les belligérants cessent le combat de manière simultanée, si le siège des régions et des villes est levé, si l'aide humanitaire est livrée à ceux qui en ont besoin et si les prisonniers» sont libérés, précise le communiqué.

Une réunion de l'ISSG, qui devait avoir lieu samedi à Genève, a été reportée, a annoncé la porte-parole de la diplomatie russe.

Quant aux négociations sous l'égide de l'ONU entre le régime et l'opposition, suspendues le 3 février, elles sont au point mort.

John Kerry a d'ailleurs admis qu'il restait «encore beaucoup de travail» avant de parvenir à un cessez-le-feu. Il se trouvait samedi soir en Jordanie où il doit s'entretenir dimanche de la Syrie avec le roi Abdallah II.

En près de cinq ans, le conflit a fait 260 000 morts et poussé des millions de personnes à l'exil, notamment dans le royaume hachémite.

Quant à Bachar al-Assad, il dit vouloir être d'ici à dix ans celui qui aura «sauvé» son pays, dans un entretien reproduit samedi sur le site internet du quotidien espagnol El Pais.

«Dans dix ans, je veux avoir été capable de sauver la Syrie, mais cela ne signifie pas que je serai encore président», y déclare M. Assad, au pouvoir depuis 2000. «La Syrie ira bien et moi je serai celui qui a sauvé son pays», assure-t-il, avant de reconnaître que, «sans aucun doute, le soutien russe et iranien a été essentiel» dans la progression de ses troupes face aux forces d'opposition.