Des avions de combat ont bombardé intensément jeudi une ville clé du Nord syrien aux mains des rebelles, tuant 44 personnes dont plusieurs enfants, dernier épisode en date de la guerre qui ensanglante la Syrie depuis plus d'un an et demi.

Dans la capitale, un homme à bord d'une moto s'est fait exploser près du siège du ministère de l'Intérieur sans faire de victime, a indiqué un responsable des services de sécurité à Damas où les attentats contre la Sécurité se sont multipliés à Damas.

Cette escalade survient à la veille de l'arrivée à Damas de l'émissaire international Lakhdar Brahimi qui a dit avoir bon espoir d'obtenir une trêve pour l'Aïd al-Adha du 26 au 28 octobre, après l'accueil favorable du pouvoir et de l'opposition.

À une semaine de cette fête musulmane, les forces du régime ont intensifié leurs frappes contre les bastions des rebelles dans le Nord pour les empêcher d'y étendre leur emprise, les violences faisant 181 morts à travers le pays (84 civils dont 13 enfants et neuf femmes, 57 soldats, 21 rebelles), selon une ONG.

Pour leur part, les rebelles ont lancé l'«assaut final» sur la base militaire de Wadi Deif, à deux kilomètres de la ville stratégique de Maaret al-Noomane dont la prise le 9 octobre a permis aux insurgés de couper l'autoroute principale utilisée par l'armée pour acheminer des renforts.

Dès l'aube, les chasseurs-bombardiers ont entamé leur ballet au-dessus de Maaret al-Noomane, en grande partie désertée par ses 125 000 habitants.

L'un des raids a détruit deux immeubles et une mosquée où étaient réfugiés des femmes et des enfants, faisant 44 morts, selon des secouristes.

Des enfants morts

«Nous avons retiré au total 44 morts des décombres, dont de nombreux enfants», a affirmé l'un d'eux. Dans un hôpital de fortune, un journaliste de l'AFP a vu 32 corps, dont ceux de six enfants, enveloppés dans des linceuls blancs. De nombreux corps étaient mutilés et méconnaissables.

Des sacs en plastique se trouvaient tout près avec l'inscription «parties de corps».

Deux enfants qui jouaient dans la rue dont l'un avec son vélo, figurent parmi les victimes. L'un a été décapité et l'autre déchiqueté.

Les rebelles ont tenté d'abattre ces avions avec des mitrailleuses lourdes, sans succès. Mercredi, un hélicoptère survolant la ville a été abattu.

À la périphérie est de Maaret al-Noomane, les rebelles ont annoncé avoir lancé l'assaut final contre la base de Wadi Deif qu'ils assiègent depuis plusieurs jours.

Près de 250 soldats sont retranchés dans cette base qui abrite une importante quantité de matériel militaire et de munitions et contrôle un pipe-line approvisionnant Alep en carburants, selon les insurgés.

Six soldats de la base ont été tués, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), précisant qu'«au moins 2500 insurgés» étaient engagés dans la bataille. En soirée les combats avaient baissé d'intensité.

Ailleurs dans le pays, les violences n'ont pas non plus connu de répit.   Dans la région centrale de Homs et la métropole du Nord Alep, l'armée a pilonné plusieurs quartiers, a précisé cette ONG.

C'est dans ce contexte macabre que M. Brahimi, émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe, arrivera vendredi après-midi à Damas pour sa deuxième visite depuis sa prise de fonctions le 1er septembre, selon le porte-parole de l'ONU à Damas, Khaled al-Masri.

Brahimi à Damas

Il rencontrera samedi le ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem, selon le porte-parole du ministère Jihad Makdissi.

«Attendons de savoir ce que Brahimi a à dire», a répondu M. Makdissi à une question sur la possibilité d'une trêve en Syrie, où le conflit a fait, selon l'OSDH, plus de 34 000 morts depuis le début en mars 2011 de la révolte populaire transformée conflit armé face à la répression.

M. Brahimi, dont la presse officielle syrienne a salué la «diplomatie des petits pas», ne rencontrera pas M. Assad, selon son porte-parole.

En visite à Amman dans le cadre d'une tournée régionale, l'émissaire international a estimé que le cessez-le-feu qu'il avait proposé pourrait servir de base au lancement d'un «processus politique».

L'opposition s'était dite prête à accepter la trêve mais à condition que le régime cesse le feu en premier.

Néanmoins des analystes ont dit douter de la pérennité de la trêve, en raison de la complexité du conflit et des divergences internationales persistantes sur une solution.

«Une trêve temporaire est possible, mais elle n'aura pas d'importance stratégique ni de caractère permanent», estime Paul Salem, directeur du Centre Carnegie pour le Moyen-Orient.

De plus, note le chef de l'OSDH, «sur le terrain, il y a des forces pro et anti régime qui ne répondent à aucune autorité».

La Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme Navi Pillay a exhorté le Conseil de sécurité de l'ONU à «parler d'une seule voix», évoquant une «situation tout simplement désespérée».

Malgré les violences, les militants ont appelé, comme tous les vendredis depuis mars 2011, à manifester contre le régime avec comme slogan cette fois «États-Unis, votre silence suspect a contribué à la mort de milliers de victimes».