«Nous sommes dans une bataille régionale et mondiale. Il faudra du temps pour la remporter», a dit le président Bachar al-Assad à la télévision syrienne. Son régime compte sur les loyautés cultivées en 40 ans de pouvoir.

L'opposition, fragmentée en plusieurs factions armées, gagne du terrain dans le nord du pays. Elle résiste à Alep et dans les banlieues de Damas. Et se radicalise. Aucun camp ne semble prêt à rendre les armes. La communauté internationale est paralysée, encore et toujours. Un an et demi après le début de la révolte, le conflit s'est transformé en guerre civile dévastatrice, dont le bilan vient de franchir le cap des 29 000 morts. Pire, la Syrie semble s'engager dans une longue guerre dont personne n'ose prédire l'issue.



1. Le pouvoir: l
es alliés de Bachar al-Assad

Le jeune frère du président, Maher, dirige la Garde républicaine. Son cousin, Rami Makhlouf, tient les rênes de l'économie du pays. Les militaires, qui sont surtout issus de la minorité alaouite, détiennent les postes-clés de la sécurité intérieure. Les Alaouites, qui comptent pour environ 13% de la population dans ce pays largement sunnite, sont convaincus que la Syrie est victime d'une conspiration internationale pour chasser le président. Après 18 mois de révoltes, Bachar al-Assad tient le coup et dit compter sur l'appui de l'Iran, du Hezbollah libanais, des Palestiniens du Hamas et du Djihad islamique, qui forment, selon lui, «l'axe de résistance» contre Israël. L'appui de la Chine et de la Russie, quant à lui, n'a pas fléchi.

2. L'opposition: faible et fragmentée

Ils souhaitent tous des réformes, mais ils sont incapables de parler d'une même voix. Le Conseil national syrien (CNS), qui regroupe sept mouvements d'opposition établis à l'extérieur de la Syrie, n'a pas encore réussi à obtenir la légitimité dont a rapidement bénéficié le Conseil national libyen en 2011. Il compte notamment dans ses rangs des militants pour la démocratie, les Frères musulmans et des factions kurdes. Un nouveau président et un comité exécutif de 10 membres est élu tous les trois mois - le président actuel, Abdel Basset Sayda, est un Kurde syrien émigré en Suède. Le Conseil a surtout prôné une lutte pacifique contre le régime et a du mal à coordonner ses actions avec celles de l'Armée syrienne libre, l'organisation des rebelles qui se trouvent sur la ligne de feu. Pendant ce temps, dans la capitale, le seul mouvement d'opposition reconnu par le régime, le Comité de coordination pour le changement national et démocratique, prône le dialogue, rejette toute intervention militaire étrangère, réclame la libération des prisonniers politiques et la fin des attaques contre les manifestants pacifiques. Et il se méfie du CNS, qu'il qualifie de «club de Washington», et de l'influence d'islamistes au sein de cette organisation.

3. Les réfugiés: l'été meurtrier

Signe de la violence des combats qui font rage, les Syriens n'ont jamais été aussi nombreux à fuir leur pays. Dans le seul mois d'août, plus de 100 000 Syriens se sont réfugiés dans les camps établis aux frontières des pays voisins. C'est presque autant que depuis le début de la révolte, en mars 2011, selon les Nations unies.

Il faut dire que le mois d'août a probablement été le plus violent du conflit. Plus de 5000 personnes, en grande majorité des civils, ont perdu la vie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme. Terrorisées, les familles se bousculent aux frontières.

Et les chiffres explosent. Chaque jour, 5000 Syriens passent en Turquie, alors qu'ils étaient de 400 à 500 il y a quelques semaines. Un millier d'autres passent quotidiennement en Jordanie. Là-bas, le camp Zaatari a été mis sur pied à la fin juillet pour accueillir 500 réfugiés. Ils sont maintenant plus de 26 000.

Les réfugiés affluent aussi au Liban et en Irak. Et plus de 35 000 Irakiens ont pris le chemin du retour, après avoir trouvé refuge en Syrie pendant de longues années, fuyant une autre guerre.

Nombre de réfugiés par pays:

Turquie: 80 177

Jordanie: 51 962

Liban: 51 665

Irak: 25 508

Depuis 18 mois, 260 000 Syriens ont fui en Turquie, au Liban, en Jordanie et en Irak.

Bilan des victimes:

Damas: 5993 morts

Homs: 5360 morts

Alep: 2507 morts

4. Les djihadistes: la menace islamiste

C'est une révolte laïque contre la dictature de Bachar al-Assad qui a allumé le conflit syrien, en mars 2011. Mais alors que le conflit s'enlise, les islamistes radicaux soufflent de plus en plus fort sur les braises de l'opposition.

Un rapport d'enquête de la Commission des Nations unies sur les droits de l'homme en Syrie a fait état cette semaine de la «présence croissante et alarmante d'éléments islamistes étrangers».

Djihadistes locaux ou venus de l'étranger, ils sont surtout actifs dans le nord de la Syrie, contrôlé en partie par les rebelles. En juillet, des combattants liés à Al-Qaïda ont été vus passant la frontière turque.

Alors que l'opposition se radicalise, le président Assad utilise la menace islamiste pour consolider ses appuis auprès des communautés chrétienne et alaouite, souligne l'Institut pour l'étude de la guerre, de Washington, dans un récent rapport sur le phénomène. De son côté, le gouvernement américain a limité son soutien aux forces de l'opposition sous prétexte que l'argent pouvait tomber entre les mains des extrémistes. L'effet pervers de cette décision est que ce sont les salafistes qui reçoivent désormais le plus de financement de l'étranger, note le rapport. Des musulmans modérés se joindraient d'ailleurs à des groupes radicaux afin d'obtenir armes et argent.

Des combattants islamistes sont entrés en Syrie pour mener le «djihad» contre le régime.

5. L'avenir de la syrie: mission presque impossible

Cette semaine, le Conseil national syrien a dit souhaiter que les pays arabes approuvent une intervention internationale en Syrie similaire à celle menée en Libye l'an dernier. L'Occident, jusqu'ici, n'a pas été très favorable à l'idée à cause du risque qu'elle pose dans une région déjà tendue. La Chine et la Russie ont, quant à elles, fait usage de leur droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, s'opposant à toute intervention extérieure. Les espoirs se tournent maintenant vers Lakhdar Brahimi, ce diplomate algérien qui a remplacé Kofi Annan dans la tâche - titanesque - de négocier un terrain d'entente entre les deux camps. Ce vieux routier de la paix en a vu d'autres. Mais de son propre aveu, la mission est «presque impossible».

Pourtant, M. Brahimi rejette l'analyse, de plus en plus répandue, voulant que la Syrie soit engagée dans une bataille existentielle, les deux camps ne jurant plus que par la victoire ou la mort. «J'ai visité la Syrie pendant 50 ans et j'ai vu une mosaïque de communautés qui tenaient d'abord à leur identité syrienne, a-t-il dit à la BBC. Je refuse de croire que les Syriens l'oublieront et trouveront indispensable de tuer leurs voisins.»

Que fait le monde?

Les sanctions économiques et diplomatiques anti-Assad appliquées durant l'été laissent la Chine et la Russie de glace. Cette dernière préfère pousser le Conseil de sécurité de l'ONU à accepter l'accord signé en juin sur les principes d'une transition politique en Syrie. Washington ne dit pas non, même si l'accord ne contient aucun appel au président Assad à renoncer au pouvoir, se limitant à demander que des sanctions soient appliquées si le régime syrien refuse la transition. En août, la France a invité l'opposition syrienne à s'unir pour former un véritable «gouvernement provisoire de la nouvelle Syrie» qu'elle pourra reconnaître. Les voisins arabes ne s'entendent pas sur la tactique à adopter pour mettre fin au conflit. Pendant que la Turquie parle de la «fin inévitable» du régime, l'Iran souligne «l'appui illimité» de Téhéran aux «efforts pris par le gouvernement syrien pour ramener la sécurité et la stabilité».

La guerre en chiffres:

Morts: 29 000

Détenus: 30 238

Mois de conflit: 18

Réfugiés: 260 000

Déplacés en Syrie: 1,5 MILLION

Syriens ayant besoin d'aide humanitaire: 2,5 MILLIONS

Sources: Observatoire syrien des droits de l'homme, Foreign Affairs, BBC, The Economist, Center for Documentation of Violations in Syria, Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, Agence France-Presse