Le régime syrien, imperturbable face aux protestations internationales, a encore envoyé ses troupes jeudi pour réprimer la contestation populaire tuant cinq civils, au lendemain de révélations à l'ONU sur de «choquantes» violations des droits de l'Homme en Syrie.

Les nouvelles sanctions américaines, les missions successives à Damas d'un émissaire turc puis d'une délégation de trois pays non permanents du Conseil de sécurité de l'ONU ne semblent pas avoir fait fléchir le régime de Bachar al-Assad qui s'est dit résolu à venir à bout de la révolte même s'il a admis des «erreurs».

La contestation ne s'essoufle pas non plus, près de cinq mois après son début. Les militants ont appelé sur Facebook à une forte mobilisation vendredi avec le slogan «Nous ne nous soumettrons qu'à Dieu», après avoir décrété des protestations quotidiennes lors du mois sacré musulman du ramadan.

Au lendemain de son retrait de la ville rebelle de Hama que le régime a voulu faire plier après des manifestations monstres antirégime, l'armée appuyée par des chars est intervenue dans les villes de Qoussair dans la province de Homs (centre) et Saraqeb dans celle d'Idleb (nord-ouest), selon des militants des droits de l'Homme.

À Qousseir, au moins cinq civils qui tentaient de fuir ont été tués et dix blessés par les troupes qui ont ouvert le feu sur eux, a indiqué un militant. La veille, 18 personnes ont été tuées dont 17 à Homs, ville en pointe de la contestation.

Des dizaines de chars ont pénétré le matin à Qousseir. «Les habitants ont fui à travers champs et toutes les communications sont coupées avec la ville», selon un autre militant.

Des tirs d'armes automatiques étaient entendus dans un quartier de Homs, Baba Amro, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) dans un communiqué, en faisant état d'une vague d'arrestations.

Plus au nord-ouest, des chars de l'armée, des transports de troupes accompagnés de bus transportant des forces de sécurité ont pénétré dans la localité de Saraqeb dans la région d'Idleb, selon l'OSDH.

Les troupes ont pris position dans le centre de la ville, ont procédé à d'importantes perquisitions et arrêté «plus de 100 personnes dont 35 enfants», a-t-elle ajouté. Elles ont coupé le courant électrique dans la ville où des manifestations quotidiennes nocturnes appelaient à la chute du régime.

La veille, l'armée avait pourtant annoncé son retrait de la région d'Idleb. La correspondante de l'AFP présente à Ariha lors d'un voyage organisé par les autorités avait assisté au retrait des troupes de cette ville de la province.

Le pouvoir ne reconnaît pas l'ampleur de la contestation lancée le 15 mars et justifie le recours à la force pour pourchasser des «groupes terroristes armés» qui selon lui sèment le chaos et attaquent les civils.

M. Bachar a admis de nouveau que ses forces avaient commis «des erreurs» dans la première phase de la répression devant des diplomates d'Inde, d'Afrique du Sud et du Brésil venus le voir à Damas pour appeler à la fin des violences, mais cela ne l'a pas empêché de continuer inexorablement la répression.

Selon des organisations de défense des droits de l'Homme, plus de 1600 civils ont été tués depuis le 15 mars dans la répression. De son côté, le pouvoir a fait état de 500 membres des forces de l'ordre tués.

Mercredi, une semaine après une déclaration du Conseil de sécurité de l'ONU condamnant la répression en Syrie, le sous-secrétaire général de l'ONU Oscar Taranco, rendant compte de la situation sur place, a parlé d'exécutions sommaires et de défections de soldats, ont rapporté des diplomates.

M. Taranco a décrit de «choquantes violations des droits de l'Homme», a indiqué Philip Parham, l'ambassadeur britannique adjoint, alors que l'ambassadrice américaine Susan Rice a assuré que des milliers d'innocents avaient été «tués de sang froid» en Syrie.

«Si le régime syrien persistait à ignorer les demandes de la communauté internationale, alors nous devrons envisager les moyens d'accroître la pression» sur lui, a jugé Martin Briens, le représentant adjoint de la France à l'ONU.

Les Occidentaux, pour maintenir la Syrie sous pression, souhaitent une nouvelle réunion la semaine prochaine avec des responsables onusiens chargés des droits de l'Homme. Dans le cas où la teneur de leurs propos serait la même que celle de M. Taranco, ils estiment que des «actions supplémentaires» seraient appropriées.

Mais l'élan des Américains et des Européens risque d'être stoppé par la Russie, qui malgré son appel à l'arrêt de la répression, veut favoriser «le dialogue et les réformes».