Les scènes de chaos lors de l'attaque de l'ambassade d'Israël au Caire ont provoqué dimanche de nombreuses critiques sur la gestion des événements par les autorités, et relancé les craintes de voir les questions sécuritaires peser sur la transition politique en Égypte.

Des mouvements politiques et des commentateurs ont dénoncé la passivité initiale des forces de l'ordre, estimant qu'elle avait permis à la situation de dégénérer ensuite en violents affrontements qui ont fait officiellement trois morts et plus d'un millier de blessés.

«Les incidents de l'ambassade suscitent des interrogations», a estimé dans un communiqué la Coalition des jeunes de la révolution, réseau militant issu de la révolte qui a poussé le président Hosni Moubarak au départ en février.

La Coalition s'interroge notamment sur «la disparition des forces de l'armée et de la police au moment où des manifestants ont commencé à escalader le bâtiment (de l'ambassade) et leur réapparition trois heures plus tard» vendredi soir.



«Présenter les révolutionnaires comme des voyous»

L'éditorialiste libéral Waël Qandil estime quant à lui dans le journal indépendant Al-Chorouq que ces troubles résultent d'un «scénario mis au point [...] pour diaboliser la révolution et présenter les révolutionnaires comme des voyous».

À l'autre bout de l'échiquier politique, les Frères musulmans ont aussi mis en garde l'armée, au pouvoir depuis la chute de M. Moubarak, contre la tentation d'invoquer la sécurité pour ralentir la transition vers un pouvoir civil.

Le Parti de la liberté et de la justice, issu de la puissante confrérie islamiste, a déclaré «refuser toute tentative d'utiliser et exploiter ces incidents pour appliquer des dispositions martiales, restreindre les libertés ou retarder les échéances de la période de transition».

Les Frères musulmans ont également mis en garde contre un possible report des législatives prévues à l'automne sous prétexte de détérioration de l'état de la sécurité.

Le pouvoir a exprimé de son côté samedi son «engagement total» pour la protection des ambassades, après ces événements.

Un tour de vis sécuritaire a également été annoncé, avec l'utilisation de toutes les ressources de la loi sur l'état d'urgence pour assurer l'ordre.

Cette loi en vigueur depuis trente ans, très décriée par les forces pro-démocratie et les ONG de défense des droits, permet le recours à des tribunaux d'exception et prévoit de multiples restrictions aux libertés publiques au nom de la sécurité nationale.

«Ces circonstances exceptionnelles exigent des mesures juridiques décisives», a estimé le ministre de l'Information, Oussama Heikal.

Pour Moustafa Kamel Sayyed, professeur de sciences politiques à l'Université du Caire, «ces incidents ont jeté un doute sur la capacité du pouvoir à maintenir l'ordre, et à assurer la tenue des élections législatives en octobre comme prévu».

Ils se sont produits de surcroît dans un contexte où «la lenteur des réformes provoque un sentiment de frustration parmi la plupart des forces politiques», a-t-il déclaré à l'AFP.

Mais il reconnaît que de nombreux Égyptiens pourraient voir d'un bon oeil le virage sécuritaire annoncé, après sept mois d'une transition politique qui s'est aussi accompagnée d'une hausse de la délinquance et d'innombrables manifestations parfois violentes.

«Une partie de l'opinion en Égypte est prête à accepter des mesures d'urgence si cela permet de restaurer l'ordre», admet-il.