Deux civils ont été tués et des dizaines blessés vendredi en Syrie par des tirs des forces de sécurité lors de manifestations réclamant la chute du régime et dénonçant l'inertie de la communauté internationale face à la répression menée par Damas.

«Un jeune homme a été tué et plusieurs autres blessés par des tirs nourris des forces de sécurité qui cherchaient à disperser des centaines de manifestants réunis sur la place Qniniss à Lattaquié (ouest)», a affirmé à l'AFP Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

En outre, «un jeune homme a été tué lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu pour disperser les manifestants à Deraa (sud)», a indiqué Abdel Karim Rihaoui, le chef de la Ligue syrienne des droits de l'Homme.

Les défilés ont débuté, comme chaque vendredi depuis la mi-mars, après la prière musulmane hebdomadaire, cette fois sous le slogan «Votre silence nous tue», les militants pro-démocratie ayant dédié cette journée au manque de réaction, selon eux, du reste du monde face aux violences secouant la Syrie.

«Où êtes-vous, défenseurs de la liberté?», ont interpellé des militants sur la page Facebook «The Syrian Revolution 2011», moteur de la mobilisation. Sur une autre page, «La colère de la Syrie», on peut lire: «Assez du silence... Votre silence est une balle dans nos poitrines».

A Hama, «plus de 500 000 personnes ont participé aux manifestations», a indiqué M. Abdel Rahmane, ajoutant que le cheikh qui dirigeait les prières «a appelé à la chute du régime, au refus du confessionnalisme et à l'union nationale». Le militant n'a pas fait état de violences dans cette ville.

En revanche, les forces de sécurité «ont tiré sur les manifestants dans le quartier de Karam el Chami à Homs (centre)», a-t-il relaté, soulignant que «plusieurs protestataires ont été blessés»

Elles ont aussi «ouvert le feu sur une manifestation de plusieurs milliers de personnes à Harasta, près de Damas, faisant plus de 15 blessés», selon M. Rihaoui.

A Deir Ezzor (est), «au moins 50 000 personnes» ont défilé en hommage aux quatre personnes tuées la veille dans cette ville, selon M. Abdel Rahmane.

Par ailleurs, «environ 5000 personnes ont manifesté à Arbine, près de Damas et 5000 autres à Kanaker ainsi que des centaines à Zebdani et Daraya en hommage aux martyrs», a-t-il précisé, soulignant que «les manifestants ont été dispersés par les forces de sécurité».

Selon des militants, des manifestations ont également eu lieu dans plusieurs villes dans l'Ouest à majorité kurde, dans le gouvernorat d'Idleb (nord-ouest), à Maarat al-Naamane (ouest), Douma (sud), Boukamal (est) et Hassakeh (nord-est).

Dans la région de Deraa, les forces de sécurité, déployées en masse, ont interdit l'accès aux mosquées aux hommes de moins de 50 ans, empêchant les fidèles d'entrer dans les lieux de culte avec des téléphones portables, notamment ceux équipés d'appareils photo, a indiqué M. Rihaoui.

Dans la matinée, à Damas, où plusieurs quartiers sont privés de communication et verrouillés par des barrages militaires, des tirs nourris ont été entendus à Qadam, théâtre de manifestations nocturnes contre le régime.

Jeudi, la répression des manifestations avait fait six morts civils: quatre à Deir Ezzor et deux à Zebdani, à 50 km au nord-ouest de Damas, selon des militants des droits de l'Homme.

Depuis le 15 mars, la répression du mouvement de contestation a fait près de 1500 morts civils, entraîné l'arrestation de plus de 12 000 personnes et l'exode de milliers d'autres, selon des ONG.

L'armée syrienne assure de son côté combattre des «bandes terroristes armées», considérées comme responsables des troubles.

Tôt vendredi, une explosion a eu lieu sur un oléoduc près de Homs, selon l'agence officielle Sana, qui a attribué l'attaque à une «bande subversive».

Il s'agit du deuxième incident visant des infrastructures d'hydrocarbures depuis le début de la contestation. Le 13 juillet, des militants avaient fait état d'une explosion sur un gazoduc dans le gouvernorat de Deir Ezzor, où se trouvent des champs de pétrole et de gaz.

Face à la révolte populaire, le journal du parti Baas, au pouvoir depuis 1963, a annoncé jeudi la tenue avant la fin de l'année d'une conférence du parti pour «mettre en place le projet réformateur porté par le président Bachar al-Assad».

Selon la Constitution, le parti Baas est «le dirigeant de l'État et de la société».

Les autorités, qui avaient promis fin avril une série de réformes, en particulier en matière d'élections et de droit de la presse, ont adopté en début de semaine un projet de loi encadrant la création de nouveaux partis.