Le régime de Mouammar Kadhafi semblait continuer à perdre du terrain en Libye, tandis que, de la Tunisie, théâtre samedi de violents affrontements, à l'Irak en passant par l'Égypte, le Yémen et Bahreïn, la rue arabe grondait toujours.

En Libye, les rebelles s'organisaient dans la région orientale pétrolifère, autour de Benghazi, dont ils se sont rendus maîtres, et d'intenses combats se déroulaient dans l'Ouest, mais le colonel Kadhafi, qui a demandé vendredi à ses partisans de se mobiliser, maintenait son pouvoir à Tripoli.

Dans une résolution adoptée samedi à l'unanimité, le Conseil de sécurité a pris des sanctions sévères contre le dirigeant libyen, sa famille et ses proches, qui comprennent notamment un gel de leurs avoirs à l'étranger et une interdiction de voyager, et décidé d'un embargo sur les ventes d'armes à la Libye.

Le Conseil de sécurité considère par ailleurs que «les attaques systématiques» contre la population civile en Libye «peuvent être assimilées à des crimes contre l'humanité» et demande la saisie de la Cour pénale internationale.

À Tripoli les habitants sont restés terrés chez eux samedi alors que des miliciens pro-Kadhafi patrouillaient dans la rue. La nuit précédente des tirs avaient été entendus dans certains quartiers.

«L'électricité a été coupée (hier soir) et n'est pas revenue depuis», a raconté un habitant.

«La sécurité s'est détériorée à l'aéroport ces dernières heures et la situation sur la route de l'aéroport devient précaire», a averti à Londres le Foreign Office.

Seif Al-Islam, un des fils du dirigeant libyen, a quant à lui estimé que la situation était «excellente» dans les trois quarts du pays, tout en reconnaissant qu'il y avait une «volonté intérieure de changement».

Le président américain, Barak Obama, a déclaré que Kadhafi devait «partir tout de suite» car il a «perdu la légitimité de gouverner».

«Il semble que Kadhafi ne contrôle plus la situation en Libye», a déclaré le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi.

Les troubles en Libye ont fait de 300 à plus de 1.000 morts, selon les sources, et depuis lundi, 40.000 à 50.000 migrants ont fui par les frontières terrestres, leur flux s'accroissant, a déclaré l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Évacuées par transbordeur, des milliers de personnes, toutes nationalités confondues, fuyant tirs, pillages et chaos, ont également afflué vers les ports maltais ou grecs.

Plus à l'ouest dans le monde arabe, un vent de contestation continuait à souffler, avec notamment de violents affrontements samedi à Tunis entre manifestants et forces de l'ordre qui ont fait trois morts.

Des incidents avaient déjà suivi dans la nuit la plus importante manifestation depuis la chute du président Ben Ali, au cours de laquelle 100.000 personnes avaient appelé au départ du gouvernement de transition.

Au Maroc, ce sont près de mille personnes encadrées par d'importantes forces de sécurité qui se sont rassemblées samedi à Casablanca pour revendiquer des «réformes politiques et une nouvelle Constitution», selon un témoin.

À Alger une centaine de contestataires ont bravé un important dispositif de police pour tenter leur troisième marche en un mois en faveur d'un changement de régime et au Caire, ils ont été près de 2.000 à manifester pour réclamer un nouveau gouvernement.

Dans la péninsule arabique, le Yémen a été le théâtre de véritables scènes de guerre à Aden, dans le Sud, qui ont fait au moins trois morts. D'importants chefs tribaux ont annoncé devant un vaste rassemblement près de Sanaa, dans le Nord, leur ralliement - après celui de l'opposition parlementaire et des rebelles zaïdites (chiites) - au mouvement de protestation contre le président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.

À Bahreïn, au lendemain d'une marche massive de protestation, des milliers de manifestants ont défilé dans la capitale, Manama, aux cris de «va-t'en Hamad !» à l'adresse du roi, Hamad ben Issa Al-Khalifa.

Le «dialogue national» censé sortir le royaume de la crise dans laquelle il est plongé depuis près de deux semaines n'a pas encore commencé, ont déploré des responsables de l'opposition, qui attendent des «clarifications» du gouvernement, au sein duquel cinq ministres ont changé de portefeuille.

Au Qatar voisin, un appel à l'éviction de l'émir Hamad ben Khalifa al-Thani, lancé sur Facebook, a rassemblé samedi plus de 20.000 sympathisants.

Plus au nord, au Koweït, un groupe d'opposition nouvellement formé a appelé à des réformes politiques et l'émir cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah a annoncé des mesures sociales pour plus de six milliards de dollars.

En Irak, le guide spirituel de la communauté chiite, le Grand Ayatollah Ali Sistani, a exigé la suppression des avantages que se sont octroyés les hommes politiques irakiens, au lendemain de manifestations de colère qui ont fait seize morts.

Au cours d'une manifestation pour l'amélioration des conditions de vie à Qoubaissa, à 170 km à l'ouest de Bagdad, une personne a été tuée et sept ont été blessées par balle.

En Jordanie voisine, l'opposition a accusé samedi le gouvernement de «manque de sérieux» dans les réformes, au lendemain d'une «journée de la colère» qui a rassemblé des milliers de personnes à Amman pour la plus grande manifestation dans la capitale depuis le début du mouvement de protestation, en janvier.

En Syrie enfin, une page Facebook intitulée «la révolution syrienne contre Bachar al-Assad 2011» appelait à des manifestations «dans toutes les villes syriennes à une date encore indéterminée.