Les forces loyales au régime libyen de Mouammar Kadhafi ont tiré vendredi sur des manifestants à Tripoli faisant au moins deux morts, après la prise de contrôle de l'Est du pays par l'opposition, la communauté internationale tentant de stopper le bain de sang.

Au 11e jour de la révolte sanglante contre le pouvoir chancelant de M. Kadhafi, confronté également à une opposition à l'ouest de Tripoli, les initiatives se multiplient: réunion de l'ONU, propositions de sanctions, d'embargo total et de mise en place d'une zone d'exclusion aérienne.

La contestation s'étend de l'ouest de Tripoli à Benghazi, à 1000 km à l'est de la capitale, dans des villes côtières ou proches des côtes de la Méditerranée, l'immense majorité du pays, à 93% désertique, étant épargné par les combats.

Mais alors que la région orientale pétrolifère est aux mains de l'opposition armée qui pourrait marcher sur Tripoli, les forces pro-Kadhafi, déployées autour de mosquées pour empêcher les protestations, ont tiré sur des manifestants notamment à la sortie des prières, selon les témoins.

«Les forces de l'ordre ont ouvert le feu sur des manifestants sans distinction. Il y a des morts dans les rues de Soug Al-Jomaa», a indiqué un habitant.

D'autres témoins de quartiers de la banlieue est, comme Ben Achour et Fachloum, ont signalé des «tirs nourris sur tous ceux qui se trouvent dans la rue». Des scènes similaires se déroulent à Ghout Achaal, dans l'ouest de la ville.

«Ils tirent sur des civils sans armes qui sortent de la prière», a déclaré à l'AFP un habitant du quartier résidentiel de Ben Achour.

Dans le quartier populaire de Fachloum, au moins deux manifestants ont été tués par des «miliciens» pro-Kadhafi, selon un témoin. Des centaines de d'autres personnes à Tajoura manifestaient contre le régime.

La télévision libyenne, citant des sources médicales, a néanmoins démenti des morts à Tripoli.

Les partisans du «Guide» au pouvoir depuis plus de 40 ans sont concentrés à Tripoli, où la milice Khamis disposerait de 9.000 combattants, de chars et d'avions, selon des informations non confirmées.

A Tobrouk (est), un millier de personnes brandissant des drapeaux de la monarchie du roi Idriss Senoussi qui s'est imposé comme un symbole de l'insurrection, ont manifesté. «Libye libre, Kadhafi dehors», «Le peuple veut la chute du régime», ont-ils lancé.

Musratha, troisième ville du pays à 150 km à l'est de Tripoli, a été désertée par les loyalistes à M. Kadhafi, mais des combats ont eu lieu sur une base aérienne proche qui ont fait de nombreux morts, selon un habitant.

De violents combats meurtriers s'étaient déroulés ces derniers jours à Musratha.A l'ouest de Tripoli, dans la ville de Zawiyah (60 km), les combats entre opposants et partisans du régime ont fait «plus de 35 morts, peut-être même 50», a par ailleurs affirmé à l'AFP le porte-parole de la Ligue libyenne des droits de l'homme.

C'est aux habitants de cette ville que s'est adressé jeudi M. Kadhafi. Il a accusé Al-Qaïda d'orchestrer l'insurrection en donnant selon lui des «pilules hallucinogènes» aux opposants.

Deux jours plus tôt, il avait juré de réprimer l'insurrection, avertissant de possibles «boucheries». Les violences ont déjà fait plusieurs centaines de morts, de 300 à un millier selon les sources.

L'un des fils du leader libyen, Seïf al-Islam, a affirmé que sa famille resterait coûte que coûte en Libye, et a averti que le régime ne permettrait pas à une «poignée de terroristes» de contrôler une partie du pays.

A l'étranger, l'indignation s'amplifie contre le pouvoir libyen, de plus en plus isolé après avoir été lâché par ses pairs arabes et plusieurs proches et diplomates, dont les ambassadeurs libyens à Paris et à l'Unesco, ainsi que Kadhaf al-Dam, proche conseiller et cousin de M. Kadhafi.

Paris et Londres ont proposé au Conseil de sécurité de l'ONU qui se réunit à 20H00 GMT à New York un projet de résolution prévoyant «un embargo total sur les armes», «des sanctions», et une «saisine de la CPI pour crime contre l'humanité», selon la chef de la diplomatie française Michèle Alliot-Marie.

Les pays de l'Union européenne et l'Otan se préparent par ailleurs à mettre en place une zone d'exclusion aérienne en Libye pour interdire aux avions militaires libyens de voler, si l'ONU donne son feu vert, selon un diplomate.

Face au chaos en Libye, les évacuations dans des conditions difficiles par terre, mer et air continuent, plusieurs pays européens, au premier rang desquels l'Italie s'inquiétant d'une crise humanitaire du fait de l'exode de dizaines de milliers d'étrangers et de Libyens.

Le Programme alimentaire mondial de l'ONU a averti que la chaîne d'approvisionnement en nourriture en Libye «était en danger de s'effondrer». Les importations alimentaires n'arrivent plus dans les ports et la distribution en est compromise en raison des violences.