L'armée bahreïnie a annoncé jeudi avoir pris toutes les mesures pour rétablir l'ordre après la répression sanglante d'une manifestation pro-démocratie à Manama, la première de cette ampleur dans une monarchie arabe du Golfe.

Profondément inquiets, les alliés régionaux du petit royaume de Bahreïn s'apprêtent à lui apporter un soutien sans faille en organisant en soirée à Manama une réunion extraordinaire de leurs chefs de diplomatie.

La dure répression de la manifestation, pendant laquelle quatre personnes ont été tuées et de nombreuses blessées, a provoqué une annonce de retrait du principal mouvement de l'opposition du Parlement, Al-Wefaq, chiite, qui contrôle 18 des 40 sièges de l'assemblée.

«Des unités ont commencé à se déployer pour assurer la sécurité des citoyens et des résidents et protéger leur liberté et leurs biens des actes de violences», a indiqué l'armée dans son communiqué «numéro un».

«Toutes les mesures préventives et fermes ont été prises pour rétablir l'ordre et la sécurité publics», a-t-elle ajouté, avant de demander aux habitants d'éviter de se rassembler aux «endroits sensibles».

Des véhicules blindés de l'armée, appelée «La Force de défense de Bahreïn», ont été déployés dès la matinée dans les endroits stratégiques de Manama.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, quatre manifestants, tous des chiites, ont été tués et des dizaines blessés dans l'assaut donné par les forces de sécurité contre des milliers de protestataires qui campaient sur la place de la Perle à Manama, selon leurs familles et l'opposition.

Selon des témoins, les forces anti-émeutes ont attaqué les protestataires soudainement, faisant usage de gaz lacrymogènes mais également, selon l'opposition, de balles en caoutchouc et de balles à fragmentation.

Ce bilan porte à six le nombre des morts dans la contestation depuis son début lundi à l'initiative d'internautes qui ont appelé à manifester pour réclamer des réformes politiques et sociales.

Après l'évacuation de la place, des centaines de personnes se sont rassemblées le matin devant l'hôpital Salmaniya, le principal de Manama, scandant «Mort aux Al-Khalifa», la famille régnante sunnite qui règne sur ce pays majoritairement chiite.

Dans l'après-midi, la place était vide, les forces de sécurité ayant démantelé les tentes, alors que des ouvriers s'affairaient à la nettoyer.

Entretemps, le ministère des Affaires étrangères annonçait une réunion extraordinaire ministérielle du Conseil de coopération du Golfe (CCG). «La réunion doit annoncer le soutien du CCG au gouvernement de Bahreïn sur les plans de la sécurité et de la défense et au niveau politique», a-t-il dit.

Bahreïn est membre du CCG qui comprend aussi l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Oman, Qatar et Koweït. Siège de la Ve Flotte américaine, le royaume est aussi le port d'attache des bâtiments de guerre américains en mission dans le Golfe.

Le ministère de l'Intérieur a expliqué avoir procédé à l'«évacuation» de la place de la Perle après des sommations qui n'avaient pas été entendues. Selon lui, 50 membres des forces de l'ordre ont été blessés par des manifestants qui les ont attaqués à coups de couteau et de gourdin.

Un manifestant a été arrêté, a-t-il ajouté, mais l'opposition a affirmé que 60 personnes avaient «disparu».

En signe de protestation, le chef d'Al-Wefaq, cheikh Ali Salmane, va annoncer la décision du bloc chiite de se retirer de l'Assemblée, selon le député Ali al-Aswad. Al-Wefaq avait suspendu sa participation à l'Assemblée.

Cheikh Salmane a réclamé mercredi «une monarchie constitutionnelle dans laquelle le gouvernement serait élu par le peuple», mais assuré ne pas vouloir la chute du régime ni l'instauration d'un Etat religieux sur le modèle iranien.

L'Union européenne, ainsi que Paris et Londres ont déploré les violences commises contre les manifestants.

Photo: AFP

Des chars d'assaut ont été déployés près de la place de la Perle, à Manama.