Non ! ... simplement parce qu'il existe de meilleures alternativesÉric Darier, Directeur de Greenpeace au Québec 

Croire aux bienfaits de la technologie est une chose. Lui accorder aveuglément toutes les vertus en est une autre. À ce titre, l'une des plus grandes erreurs de notre époque consiste à croire qu'une technologie comme les OGM, peut résoudre, comme par miracle, le problème de la crise alimentaire mondiale. Du moins, c'est ce que voudraient nous faire croire des entreprises, comme la multinationale américaine Monsanto, qui vend des OGM et les herbicides qui les accompagnent tel que le Roundup. Ce sont ces mêmes multinationales qui prétendaient et affirment encore que les herbicides et les insecticides chimiques sont la panacée en agriculture. Les OGM ne constituent que la dernière pensée magique de l'agriculture industrielle qui nous a déjà donné les pesticides, les herbicides et les engrais chimiques, sources de nombreux problèmes en environnement et en santé. Ouvrons les yeux ...Certes, l'agriculture industrielle a donné des résultats impressionnants pendant quelques années, permettant d'obtenir des récoltes extraordinaires dans certains cas. Mais nous savons aujourd'hui que cette approche mène à un cul-de-sac et est vouée à l'échec parce qu'elle compromet l'intégrité des ressources dont notre approvisionnement alimentaire dépend. Le sol se détériore, l'eau se fait rare et devient contaminée; on dépend de plus en plus des engrais. En outre, les mauvaises herbes acquièrent une résistance aux herbicides et la lutte aux ravageurs s'avère plus complexe. Tuer tous les insectes d'une région, répandre des herbicides à grande échelle, traiter le sol avec de grandes quantités d'engrais chimiques et disséminer des OGM dans l'environnement ne sont définitivement pas des solutions écologiques.

Il ne s'agit pas ici des propos alarmistes d'un écologiste, mais bien du consensus auquel la communauté scientifique mondiale est arrivée. En avril 2008, des délégués gouvernementaux et des scientifiques du monde entier se sont réunis à Johannesburg, pour débattre du rapport final de l'Évaluation internationale de la Science et de la Technologie agricoles (IAASTD). Plusieurs spécialistes se sont efforcés durant trois années à évaluer l'état actuel de l'agriculture mondiale. Leur rapport définitif, que plus de 60 gouvernements ont déjà entériné (mais pas le Canada), relate l'échec de l'agriculture industrielle. Le rapport conclut qu'une agriculture axée sur l'emploi intensif des produits chimiques ne permet pas aux collectivités locales de gagner décemment leur vie et de profiter d'un régime alimentaire sain et équilibré. Le rapport souligne la nécessité de réorienter systématiquement la recherche en agriculture afin de mieux résoudre les problèmes de la faim, des inégalités sociales et de l'environnement.

Malgré l'incertitude, environ la moitié du maïs cultivé au Québec est génétiquement modifié. Rappelons aussi que 70% des aliments transformés que l'on trouve sur les étagères de nos épiceries au Québec et qui contiennent du maïs, du soja, du canola ou l'un de leurs dérivés comme l'huile, le fructose, proviennent de plantes OGM. Le Canada est l'un des rares pays industrialisés à refuser encore l'étiquetage obligatoire pour les OGM. Et cela, malgré que les OGM n'aient toujours pas été évalués d'une manière rigoureuse et indépendante pour prouver qu'ils sont vraiment sécuritaires.

Des changements en profondeur

La solution à la crise alimentaire actuelle ne consiste pas à faire comme avant, mais bien à réorienter en profondeur l'agriculture à l'échelle mondiale. Comme le souligne l'IAASTD « l'empreinte écologique de l'agriculture industrielle est déjà trop importante pour être ignorée ». Elle recommande de taxer les produits agrochimiques et les carburants fossiles afin d'atténuer les conséquences dommageables de l'agriculture industrielle. En ce qui a trait aux pratiques les plus désastreuses, comme l'usage de produits toxiques à proximité des cours d'eau, le rapport réclame carrément leur interdiction.

Alors, quelle est la solution ? Comment allons-nous doper la productivité pour nourrir sept, huit, voire dix milliards de personnes sur la planète, sans affecter plus de terres à des fins agricoles et sans nous résoudre à utiliser les anciennes méthodes agricoles si destructrices? L'IAASTD a clairement indiqué qu'il ne considère aucunement les cultures OGM comme une solution possible à la pauvreté et à la faim. Il propose plutôt de recourir à une vaste gamme d'options qu'on peut désigner sous le nom d'agriculture intelligente, des méthodes de culture écologique mettant l'accent sur la diversité biologique. Ces pratiques culturales s'adaptent aux conditions et aux besoins locaux, emploient des variétés de semences locales et mettent à profit les savoirs locaux et traditionnels.

Travailler avec la nature

La façon moderne de pratiquer l'agriculture doit consister à travailler avec la nature plutôt qu'à la combattre. Mais la pleine exploitation des possibilités qu'offre une agriculture à la fois saine et biodiversifiée exige une modification majeure des priorités en matière de recherche, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Les fonds de recherche doivent être investis dans des systèmes agricoles qui ne pollueront ni n'épuiseront les ressources naturelles, de sorte que les communautés locales et la population en général puissent bénéficier d'un régime alimentaire nourrissant et équilibré.