«Avez-vous vu cette personne?»: deux Lituaniennes collent un avis de recherche sur un panneau publicitaire. Près de 48 heures après l'attentat commis à Nice, de nombreuses personnes cherchaient encore samedi soir des proches, dans les hôpitaux, sur les réseaux sociaux ou en parcourant la ville.

Gabriella et Johanna cherchent désespérément leurs deux amis, Rickard Kruusberg et Nick Leslie, 20 ans tous les deux. Sur les deux affiches, le nom, la photo, toutes les caractéristiques qu'elles leur connaissent --taille, poids, vêtements portés-- et la mention «Aperçu dernièrement: Promenade des anglais - High Beach».

Avec plusieurs de leurs amis, elles sillonnent la ville pour retrouver leurs camarades de voyage. «Nous n'avons aucune nouvelle, ni bonne, ni mauvaise», souffle Johanna. «Nous nous sommes séparés en plusieurs groupes, pour aller dans les hôpitaux, dans les rues», détaille-t-elle.

Sur l'un des mémoriaux improvisés sur la Promenade des Anglais, un autre avis de recherche, plus succinct - «Bouzaouit Aïdjia, 42 ans (...) Toujours à sa recherche» - surmonté d'une photo de la disparue.

À la Maison pour l'accueil des victimes, où l'une des cellules d'aide psychologique a été installée dès vendredi, une centaine de personnes sont venues samedi chercher un soutien, des nouvelles d'un proche ou des explications sur le déroulement du drame.

La psychologue Isabelle Buchet a reçu une vingtaine de personnes, toutes en état de «sidération».

Selon cette clinicienne, «une vingtaine de personnes toujours en réanimation dans les hôpitaux de Nice ne sont pas encore identifiées. Mais on ne les montre pas aux familles qui recherchent un proche». Même pas en photo. «Il y a eu des erreurs d'identification après les attentats de Paris, les autorités ne veulent plus faire la même erreur», avance-t-elle.

«Merci pour vos RT!»

Dans la matinée, à la Fondation Lenval, un hôpital pédiatrique proche de la Promenade des Anglais, un père de famille niçois sort désespéré. Il a perdu sa femme, il cherche maintenant son fils de quatre ans.

Depuis la nuit du drame, il sillonne la ville pour tenter de retrouver sa trace, une photo de son bambin tout sourire à la main. «J'ai appelé partout, les commissariats, les hôpitaux, sur Facebook, j'ai pas trouvé mon fils. Ca fait 48 heures que je cherche. Ma femme est morte, mon fils, il est où?».

Dans l'après-midi, à l'hôpital Pasteur, sa quête prend fin dramatiquement: Tahar Mejri a aussi perdu son fils.

Ceux qui restent sans nouvelles malgré leur tournée acharnée des hôpitaux et des commissariats se rabattent sur les réseaux sociaux, comptant sur une large diffusion de leurs avis de recherche.

Sur Twitter, le hashtag RechercheNice a permis à de nombreuses personnes sans nouvelles de proches présents jeudi soir sur la Promenade des Anglais de lancer leur bouteille à la mer. Plusieurs comptes se sont également créés pour relayer ces demandes, notamment @RecherchesNice et @nicefindpeople.

Lien Dang s'est inscrite sur Twitter pour rechercher son grand frère Luc, qui travaillait, dit-elle, dans un restaurant sur la Promenade des Anglais. Depuis jeudi soir, cette femme qui poste ses tweets depuis Juvisy-sur-Orge, en région parisienne, est sans nouvelles.

«Il habite et travaille à Nice, a une grosse tache marron de naissance sur son avant-bras gauche», tweete-t-elle, en laissant son numéro de portable et en postant une photo du disparu.

Sur le compte @RecherchesNice, certaines quêtes trouvent une conclusion, parfois dramatique, parfois aussi plus heureuse: «Éric a été retrouvé sain et sauf! Merci pour vos RT!», lance ainsi un message surmontant la photo d'un jeune homme aux lunettes de soleil négligemment relevées sur le front.

Indemnisations imminentes pour les victimes

Les premières indemnisations des victimes de l'attentat de Nice, où 84 personnes sont mortes, 202 ont été blessées et de nombreuses autres choquées, seront débloquées la semaine prochaine, a annoncé samedi une ministre française, précisant que les victimes étrangères étaient également concernées.

Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI), responsable des indemnisations, «doit verser de premières provisions. J'ai demandé que ça intervienne dès la fin de la semaine prochaine», a déclaré à l'AFP la secrétaire d'État française aux Victimes, Juliette Méadel depuis Nice où elle se trouvait samedi.

Plusieurs associations de victimes, interrogées par l'AFP, ont dit craindre que les personnes traumatisées à Nice, de par leur grand nombre et la difficulté qu'elles auront à prouver leur présence sur les lieux de l'attentat, soient privées de toute indemnisation.

Des milliers de personnes présentes sur la Promenade des Anglais jeudi soir, lorsque le tueur a fauché au volant de son camion des centaines d'entre elles, ont pu être ébranlées par le carnage, assurent-elles.

«Nous veillerons à ce que les victimes, qu'elles soient choquées ou qu'elles soient indirectes (des parents de  victimes, NDLR), soient indemnisées», a-t-elle assuré.

Ces personnes pourront notamment faire établir leur «préjudice» par un «examen psychiatrique» ou au moyen d'un «dépôt de plainte» dans un commissariat, a-t-elle expliqué.

Au moins 17 étrangers ont trouvé la mort dans l'attaque, dont trois Allemands, deux Américains, trois Tunisiens et trois Algériens.

Le FGTI, créé en 1986, alors que la France connaissait une vague d'actes de terrorisme liés à la situation au Proche-Orient, dispose d'une réserve de 1,3 milliard d'euros, selon Juliette Méadel. Environ 300 à 350 millions seront prélevés pour les attaques du 13 novembre à Paris, estimait en mai ce fonds.