Les autorités françaises ont interpellé 23 personnes et saisi 31 armes lors de vastes opérations de perquisitions dans la nuit de dimanche à lundi dans le cadre de l'état d'urgence décrété après les attentats de Paris, a annoncé le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.

Le ministre a prononcé au cours des 48 dernières heures «104 assignations à résidence à l'encontre d'individus qui font l'objet d'une attention particulière de nos services».

D'autres kamikazes identifiés, des perquisitions, des frappes

L'enquête sur les attentats les plus meurtriers de l'histoire en France a accéléré lundi matin, peu avant la minute de silence en hommage aux victimes.

Quatre heures plus tard, à 16 h, François Hollande s'adressera aux députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles pour «rassembler la Nation», au lendemain du bombardement déclenché contre le fief de l'État islamique (EI) à Raqqa, dans le nord de la Syrie. Cette riposte à la revendication des attentats par l'organisation djihadiste a détruit dimanche soir un camp d'entraînement et des dépôts d'armes de l'EI, selon le ministère de la Défense.

Les enquêteurs ont, eux, identifié deux autres des djihadistes des attaques coordonnées qui ont fait vendredi soir à Paris au moins 129 morts et 352 blessés. Samy Amimour, 28 ans, originaire de Drancy en banlieue parisienne est l'un des assaillants du Bataclan. Il avait été mis en examen en octobre 2012 pour un «projet de départ avorté vers le Yémen», a annoncé lundi le procureur de Paris. Il avait violé son contrôle judiciaire à l'automne 2013 et un mandat d'arrêt international avait été délivré.

Le deuxième est un kamikaze du stade de France à côté duquel un passeport syrien au nom d'Ahmad Al Mohammad, 25 ans, a été retrouvé. L'authenticité de ce passeport «reste à vérifier», mais les empreintes du kamikaze concordent avec «celles relevées lors d'un contrôle en Grèce en octobre 2015», précise le procureur. Cinq kamikazes morts vendredi sont identifiés en tout.

Depuis vendredi, 168 perquisitions administratives ont été menées dans les milieux islamistes, 104 assignations à résidence prononcées, 23 interpellations réalisées et 31 armes saisies, a annoncé le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. «Et ça va continuer» dans le cadre de l'état d'urgence, a prévenu Manuel Valls. À Lyon notamment, un lance-roquettes, des gilets pare-balles, plusieurs pistolets et une kalachnikov ont été saisis.

Lundi matin, les Français ont retrouvé le chemin de l'école ou du travail.

«Mon fils ne voulait pas aller à l'école», raconte Ikrame, maman de deux garçons de neuf et onze ans à Montreuil. «Il a peur, on était au Stade de France vendredi soir. On s'est cachés dans les toilettes quand on nous a dit qu'il y avait eu des tirs.»

«Il ne faut pas céder à la panique, mais on ne peut pas ne pas y penser», témoigne dans le métro Yvonne, un «noeud à l'estomac».

Des attentats «préparés à l'étranger»

À 13 h, les musées, salles de spectacle et autres établissements culturels, fermés ce week-end, devaient rouvrir.

La France va «vivre longtemps» avec la menace terroriste et doit se préparer à de «nouvelles répliques», a prévenu le premier ministre Manuel Valls.

Les enquêteurs poursuivent leurs investigations sur les «trois équipes de terroristes» qui auraient, selon la justice, mené ces attaques.

Parmi les assaillants du Bataclan figure Omar Ismaïl Mostefaï, 29 ans, né dans l'Essonne et fidèle d'une mosquée près de Chartres.

Bilal Hadfi, 20 ans, qui s'est fait sauter au Stade de France et Brahim Abdeslam, 31 ans, qui s'est fait exploser boulevard Voltaire, étaient des Français résidant en Belgique. Les enquêteurs s'intéressent à la fratrie Abdeslam.

Un des frères, Mohamed, a été placé en garde à vue en Belgique avant d'être relâché, mais les services antiterroristes sont sans nouvelle d'un troisième, Salah, qui pourrait être un des kamikazes ou en fuite. La justice belge a lancé un mandat d'arrêt international et la police française a lancé un appel à témoin à l'encontre de cet «individu dangereux», qui a loué une Polo noire immatriculée en Belgique retrouvée garée devant le Bataclan, où 89 personnes ont péri.

Brahim a de son côté loué une Seat noire, également immatriculée en Belgique et retrouvée à Montreuil avec à son bord trois kalachnikovs, onze chargeurs vides et cinq pleins.

Les liens avec la Belgique sont clairs. Les attentats «ont été préparés à l'étranger et ont mobilisé une équipe d'acteurs situés sur le territoire belge et qui ont pu bénéficier, l'enquête le dira, de complicités en France», a affirmé Bernard Cazeneuve dimanche, après un entretien avec son homologue belge Jan Jambon.

L'union nationale malmenée

L'enquête belge se concentre sur la commune bruxelloise de Molenbeek, considérée comme une plaque tournante des djihadistes.

Selon le journal flamand De Standaard, Brahim Abdeslam avait dans le passé côtoyé un djihadiste belge notoire de l'EI, Abdelhamid Abaaoud, considéré en Belgique comme le cerveau des attaques déjouées en janvier dans la ville belge de Verviers. Un lien existe entre ces deux hommes, mais il est trop tôt pour en préciser la nature, a confirmé une source proche de l'enquête à l'AFP.

Selon Manuel Valls, «cet attentat a été organisé, pensé, planifié depuis la Syrie», et les enquêteurs tentent d'éclaircir ces connexions.

Selon sa famille récemment rencontrée par l'AFP, Amimour est allé en Syrie il y a deux ans. Objet d'une fiche S pour radicalisation en 2010, Mostefaï y a très vraisemblablement séjourné entre 2013 et 2014. Hadfi y est allé  aussi, selon une source proche de l'enquête.

À Versailles, le discours du président Hollande, qui a reçu dimanche les dirigeants des différents partis, prendra une dimension politique.

Le parti Les Républicains a obtenu que chaque groupe parlementaire puisse s'exprimer dix minutes à l'issue du discours.

Dix mois après l'union nationale suscitée par les attentats de janvier, quelques voix dissonantes se font déjà entendre, notamment celle de l'ex-président Nicolas Sarkozy. Le patron des Républicains a réclamé «des modifications drastiques de notre politique de sécurité», avec bracelets électroniques et résidence surveillée pour toutes les personnes fichées comme radicalisées, ainsi qu'une «nouvelle politique» européenne de l'immigration.

Les témoignages de solidarité se sont poursuivis dans le monde entier. Ainsi, les drapeaux américains seront mis en berne à la Maison-Blanche et sur d'autres bâtiments officiels, jusqu'au coucher du soleil jeudi.

-Avec Pauline Froissart et Andrea Bambino