Les ministres de l'Intérieur des 28 ont entamé jeudi à Sofia la dernière ligne droite de la réforme du système d'asile européen, mais sans progresser sur la question de nouveaux quotas d'accueil de réfugiés qui demeure leur principale pomme de discorde.

La réunion de jeudi était la première organisée par la présidence bulgare de l'UE, qui a été chargée de finaliser un accord d'ici au début de l'été, dans ce dossier enlisé depuis plus d'un an et demi.

«D'ici à juin, nous devons avoir un accord politique», a rappelé le ministre allemand de l'Intérieur, Thomas de Maizière. Mais «ce sera difficile», a-t-il admis, en raison du rejet par des pays comme ceux du groupe de Visegrad (Hongrie, Slovaquie, Pologne, République tchèque) de quotas d'accueil de demandeurs d'asile.

«J'ai entendu des voix très modérées aujourd'hui de la part de mes collègues d'Europe de l'Est», mais sur le fond, il n'y a «pas d'évolution substantielle», a regretté le ministre allemand après un débat avec ses homologues.

Pour sortir de l'impasse, il a suggéré que les discussions continuent de progresser sur d'autres aspects de la réforme de l'asile, comme l'harmonisation des procédures d'accueil dans l'UE, sans attendre que soit réglée la question explosive des quotas.

«À la fin» 

Il y a «pratiquement un accord» sur cette méthode de travail, a dit devant la presse l'hôte de la réunion, le ministre bulgare de l'Intérieur, Valentin Radev.

Cela signifie qu'«on continue d'avancer point par point sur la réforme et que les questions qui fâchent seront réglées plus tard et pas au niveau des ministres», a décrypté une source diplomatique, estimant qu'il y aura «une grande négociation politique à plus haut niveau, à la fin».

La question des quotas est liée à la refonte du «règlement Dublin», qui désigne quel pays a la responsabilité de traiter une demande d'asile faite en Europe. Ce dispositif décrié la confie presque toujours à ceux de première entrée dans l'UE, faisant peser une charge démesurée sur des pays comme la Grèce et l'Italie.

D'où l'idée, proposée par Bruxelles et soutenue notamment par Berlin, de partager l'accueil par des quotas de «relocalisation», qui ne seraient toutefois déclenchés qu'en cas de crises comparables à celle de 2015, quand 1,26 million de personnes ont demandé l'asile dans l'UE.

Mais «les quotas ne sont pas une bonne chose», a répété jeudi le ministre de l'Intérieur slovaque, Robert Kalinak, appelant à «inventer quelque chose d'autre».

Le nouveau ministre autrichien de l'Intérieur Herbert Kickl, issu du parti d'extrême droite FPÖ, s'est rangé dans son camp. «Je ne suis pas un ami des mesures de relocalisation, si elles sont prises sans l'accord explicite des États membres», a-t-il déclaré.

Les adversaires des quotas estiment que la solidarité européenne doit se traduire d'une autre manière, notamment financière, et toujours volontaire. Ils font aussi valoir l'opposition de leurs opinions publiques à de telles mesures.

Mais la solidarité «ne peut pas être interprétée différemment» par les différents pays de l'UE, a insisté le commissaire européen en charge des migrations, Dimitris Avramopoulos, appelant les États membres à «sortir de cette impasse».

«Ne renoncez pas»

Le commissaire grec a fermement contesté l'idée d'un «échec» des quotas de réfugiés qui ont été en vigueur entre septembre 2015 et septembre 2017, l'un des principaux arguments des détracteurs d'une telle mesure pour l'avenir.

Malgré l'absence de consensus, l'UE avait adopté en 2015 un plan de «relocalisations» depuis l'Italie et la Grèce, incluant des quotas obligatoires d'accueil portant sur 120 000 personnes.

Cette exception aux règles de Dublin n'a permis d'en répartir qu'environ 33 000, essentiellement des Syriens et des Erythréens, et plusieurs pays de l'Est ont refusé de l'appliquer. Mais pour la Commission, le décalage avec les objectifs initiaux résulte surtout de la forte chute des arrivées sur les côtes européennes.

Elles ont en effet nettement reculé. D'abord en 2016 sur les côtes grecques, après un accord controversé avec la Turquie, puis en Italie à partir de la mi-2017, grâce à une collaboration elle aussi décriée avec les autorités libyennes.

«Mais nous ne savons pas ce que le futur nous réserve», a prévenu M. Avramopoulos, appelant à mettre en place un système «solidaire» pour être prêts en cas de nouvelle crise.

Un responsable du Haut comité aux réfugiés des Nations unies (HCR), Volker Türk, a lui aussi lancé un appel en ce sens. «Il ne faut pas renoncer au mécanisme de solidarité que représentent les «relocalisations» au sein de l'UE», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Sofia.