Des gardes-côtes grecs ont forcé un passeur turc présumé à regarder les corps de trois enfants morts en tentant de traverser la mer Égée, s'attirant les critiques du ministre grec de la Marine.

«C'est un comportement clairement inapproprié», a déclaré Thodoris Dritsas dans un communiqué publié tard lundi. «L'État et ses agents devraient garder la tête froide et rester professionnels vis-à-vis de tout détenu, même s'il est accusé d'un crime odieux», a-t-il ajouté.

La chaîne britannique Sky News a diffusé vendredi des images d'une opération de sauvetage d'un bateau de migrants en détresse près de l'île grecque de Samos. Deux enfants âgés de deux ans et une fillette de quatre ans sont morts dans le naufrage.

Les gardes-côtes ont arrêté un passeur présumé, un ressortissant turc âgé de 21 ans qui conduisait le bateau, et l'ont forcé à regarder les corps des enfants jusqu'à ce qu'il fonde en larmes.

«Nous devrions tous respecter la présomption d'innocence jusqu'à ce que quelqu'un soit définitivement condamné», a aussi déclaré le ministre.

Le passeur présumé devait être déféré dans la journée devant le procureur de Samos. Il avait affirmé à Sky News avoir été contraint de piloter le bateau.

Les passeurs déclarés coupables sont condamnés à de lourdes peines en Grèce, qui doit faire face à l'afflux de migrants en provenance de Turquie. Le président grec Prokopis Pavlopoulos a accusé lundi les autorités portuaires en Turquie de soutenir ce trafic.

Les noyades en Égée se poursuivent depuis le début de l'année, malgré le ralentissement du nombre de migrants arrivant en Grèce, dû aux conditions météorologiques hivernales, mais aussi aux limites imposées par l'Union européenne.

Selon des estimations de l'Organisation internationale pour les migrations, OIM, 77 personnes sont mortes dans ces traversées pour la seule période du 1er au 18 janvier.

Le flux migratoire est toutefois loin d'être tari : l'OIM a dénombré 31 000 arrivées sur les îles grecques depuis le début de l'année, soit 21 fois plus qu'en janvier 2015.

«Ce chiffre suggère que le nombre des arrivées par la mer en Grèce en 2016 pourrait dépasser largement le record de 853 650 personnes atteint en 2015», a indiqué l'OIM dans un communiqué mardi.

Environ 90 % de ces exilés appartiennent aux groupes autorisés par les pays des Balkans à poursuivre leur route vers l'Europe du Nord, soit les Syriens, Irakiens et Afghans, a souligné l'OIM.

Leur périple est encore compliqué par la vague de froid qui sévit depuis le début de la semaine sur les Balkans. L'ONG Save the children a mis en garde mardi contre le risque pesant sur les enfants, menacés de mourir de froid, appelant notamment les autorités grecques à rouvrir le camp de transit mis en place cet automne au poste-frontière gréco-macédonien d'Idomeni.

Faute d'accès à ces installations, «les familles sont forcées de dormir dehors» par des températures bien au-dessous de zéro, s'est inquiétée l'ONG dans un communiqué.