Salle des fêtes à Sevran, banlieue passablement sinistrée du département le plus défavorisé de la région parisienne: forte immigration, chômage important, problèmes d'insécurité.

«À Sevran, dit son maire, Stéphane Gatignon, il nous faudrait une vraie police locale car, le jour, on ne voit que des patrouilles en voiture et, le soir, des policiers antiémeute préparés à intervenir en cas d'émeutes et qui arrivent toujours trop tard... Mais, avec 30% des ressources budgétaires de la moyenne en Île-de-France, impossible de se payer 50 policiers municipaux.»

Stéphane Gatignon est un jeune quadragénaire qui a cette qualité de ne pas pratiquer la langue de bois: «Bien sûr, soupire-t-il, la campagne Europe Écologie, ça fait un peu organisation étudiante...»

De fait, dans cette salle de quartier pas franchement luxueuse, les micros sont parfois défaillants et les éclairages, approximatifs. La table ronde organisée autour de Cécile Duflot et de Daniel Cohn-Bendit était annoncée à 16h. Cécile arrivera vers 17h30 et «Dany» une heure plus tard, au milieu d'une intervention de Cécile. À Europe Écologie, on fait volontiers dans la joyeuse improvisation.

Ce qui est encore plus frappant, c'est le mélange des personnalités et des courants. Stéphane Gatignon est maire de Sevran depuis 2001, mais a été élu et réélu sous l'étiquette communiste. C'est en novembre 2009 qu'il s'est rallié à Europe Écologie: «Personne n'a de solution clé en main, dit-il, mais je trouve qu'à Europe Écologie on aborde les problèmes de société en face, et sans a priori.»

Sur les listes d'Europe Écologie, on trouve donc des écolos purs et durs de longue date, mais aussi un grand commis de l'État, Robert Lion, ancien chef de cabinet du premier ministre socialiste Pierre Mauroy et ancien président de la Caisse des dépôts. On retrouve également Eva Joly, une juge d'instruction versée dans les affaires de corruption politique.

Avant d'adhérer aux Verts en 2001, Cécile Duflot était sans parti, mais militante pour une association d'aide aux prisonniers. Elle vient de la gauche des Verts, une gauche plutôt radicale.

Ancien héros gauchiste de mai 68, Daniel Cohn-Bendit serait presque, à 64 ans, le plus centriste et «libéral» de la bande. Mais tout ce monde discute allègrement, en ne craignant pas au passage d'afficher ici et là ses divergences.

Franc-parler et improvisation

En politique, les grandes victoires arrangent bien les choses. Indéniablement, Cohn-Bendit est resté au fil des ans un grand communicateur, à la télé comme dans des réunions publiques: drôle, inattendu, offensif.

La candidate des Verts à la présidentielle de 2007, Dominique Voynet, avait enregistré un triste score de 1,57% des voix. Les querelles de courants et de chapelles étaient alors reparties de plus belle au sein des Verts.

Puis, le Franco-Allemand Cohn-Bendit débarque de nouveau aux européennes de 2008: la divine surprise avec 16,28% des voix. Du coup, les innombrables courants chez les Verts se sont mis à trouver ridicules leurs disputes théologiques. Et, bien qu'issue d'un courant fortement idéologique, Cécile Duflot est devenue une patronne consensuelle et rassembleuse.

Sans avoir le formidable métier de bateleur de Cohn-Bendit, on la découvre sympathique et vraiment efficace dans les médias. Même si certains la trouvent parfois naïve dans ses déclarations.

Les Verts étaient, aux yeux de plusieurs, des rêveurs sympathiques, mais qui passaient le plus clair de leur temps à se diviser sans fin. Les succès électoraux aidant, la joyeuse bande est restée un peu échevelée, mais elle a cessé de transformer en guerres fratricides les plus petites divergences idéologiques. Reste le franc-parler et un goût - réussi - pour l'improvisation. Cela change apparemment l'électorat des vieilles ruses des grands partis traditionnels. Et pour l'instant, ça marche!