(Quito) L’Équateur a réinstauré l’état d’urgence dans sept des 24 provinces du pays, où les violences se sont multipliées ces dernières semaines, a annoncé mercredi le gouvernement, qui avait déjà décrété en janvier ce régime d’exception dans l’ensemble du territoire.

L’état d’urgence, qui permet le déploiement de l’armée sur la voie publique, a été décrété mercredi pour 60 jours dans les provinces côtières de Guayas, El Oro, Santa Elena, Manabí et Los Ríos, et les provinces amazoniennes de Sucumbíos et Orellana, en plus du canton de Camilo Ponce Enríquez (dans la province andine de l’Azuay), selon la présidence.

D’après le décret, il y a eu dans ces zones « une augmentation de la violence systématique perpétrée par des groupes violents organisés, des organisations terroristes et des individus belligérants non étatiques ».

En janvier, l’évasion d’un chef de gang d’une prison de haute sécurité a déclenché de violents soulèvements de groupes de narcotrafiquants qui ont entraîné des émeutes dans des prisons, des attaques contre la presse, des explosions de voitures piégées, la prise d’otages temporaire de quelque 200 agents pénitentiaires et policiers, ainsi qu’une vingtaine de morts.

PHOTO PIERRE-PHILIPPE MARCOU, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président de l’Équateur Daniel Noboa

Engagé dans une lutte contre les gangs de narcotrafiquants, le président équatorien Daniel Noboa avait alors instauré l’état d’urgence, en vigueur durant les 90 jours permis par la loi, et déclaré le pays en « conflit armé interne ».

Forces publiques « dépassées »

En vertu de l’état d’urgence, l’armée a reçu l’ordre de neutraliser une vingtaine de bandes criminelles liées à la mafia albanaise et à des cartels du Mexique et de Colombie, qualifiés de « terroristes » et de « belligérants ».

« Le 9 janvier, lorsque nous avons déclaré la guerre aux groupes terroristes, nous étions dans un chaos général et, en cinq mois, nous avons réussi à rétablir la paix pour le peuple équatorien », a déclaré M. Noboa dans une vidéo diffusée par la présidence.

Le régime d’exception pour les sept provinces fait partie d’une « deuxième phase de la guerre » contre la drogue et le crime organisé, a-t-il ajouté.

Le président équatorien a affirmé que cette guerre « s’est sectorisée. Les bandes criminelles, face à l’offensive militaire, se sont réfugiées et retranchées dans sept provinces » où les capacités des forces publiques « ont été dépassées ».

Dans ces régions, des dizaines de personnes ont été tuées dans plusieurs massacres au cours des dernières semaines.

Les provinces sous état d’urgence sont celles qui « ont le plus besoin de la liberté d’action des forces armées et de la police nationale », raison pour laquelle les droits à l’inviolabilité du domicile et de la correspondance ont été suspendus, a fait savoir M. Noboa.

« Malgré les risques importants que nous courons, nous sommes ici pour garantir ce que nous avons gagné et réagir avec détermination et force », a-t-il mis en avant.

Violations des droits de la personne

Autrefois considéré comme un îlot de paix en Amérique latine, l’Équateur, situé entre la Colombie et le Pérou, les deux plus gros producteurs mondiaux de cocaïne, a été frappé par une vague de violences ces dernières années, liée aux gangs qui se disputent les routes du trafic et le pouvoir dans les prisons.

Les homicides y ont augmenté de 800 % entre 2018 et 2023, passant de 6 à 47 pour 100 000 habitants. Depuis 2021, plus de 460 détenus ont été tués en prison.

L’ONG Human Rights Watch a déclaré mercredi que bien que la criminalité soit en baisse, les extorsions et les enlèvements ont augmenté et la situation en matière de sécurité reste grave.

Dans une lettre ouverte adressée au président équatorien, l’organisation dénonce les « violations graves des droits humains » commises par les forces de sécurité pour faire face, selon lui, au « conflit armé interne » ouvert par les gangs.

Appelant M. Noboa à revenir sur l’état d’urgence, Juanita Goebertus Estrada, directrice de HRW pour les Amériques, fait état d’au moins « une apparente exécution extrajudiciaire, de plusieurs arrestations arbitraires et de nombreux cas de mauvais traitements en prison qui, dans certains cas, pourraient s’apparenter à de la torture ».